Hassan.- J’habite à Vaulx-en-Velin, et je voudrais revenir sur ce qu’il s’est passé le 10 décembre à Vénissieux. On était posés, tranquillou, entre amis. Il était autour de 4 h ou 5 h du matin. On s’apprêtait à rentrer chacun chez nous quand malheureusement on a été pris en chasse par un équipage de police. On était sur un scooter. On était 3, avec un de mes amis qui s’appelle Mehdi.
On était pris en chasse par la police, ce qui a entraîné un accident mortel. Justice n’a pas été faite. Je me souviens qu’ils étaient bien derrière nous. Mon ami juste derrière moi sentait le pare-choc de la voiture. Ils étaient collés à la plaque du scooter, vraiment collés collés, sur plusieurs dizaines de mètres. A la fin de cette course, on a eu un accident très très grave, qui a entraîné la mort de Mehdi.
Ahmed.- Je suis le beau-frère de Mehdi qui est parti. On a su ça à 10 h du matin, dimanche 11 décembre. Nous sommes allés avec l’épouse de mon beau-frère à l’hôpital. On a attendu énormément qu’on nous donne une réponse. Je suis parti sur les lieux de l’accident, le jour-même, dans l’après-midi. J’ai vu des débris du scooter. J’avais posé un bouquet de fleurs, on l’a enlevé. Y’avait une patrouille de la police municipale, une patrouille de la BAC qui tournait à côté. Alors qu’on était là pour se consoler comme on pouvait.
J’ai vu des articles comme ceux de radio Espace, ils avaient mis des articles qui étaient tout faux. Je me suis permis de les appeler pour leur dire que ce qu’ils avaient mis n’était pas vrai. Ils avaient mis que c’est eux qui sont rentrés dans la police. Ils ont mis une photo de moto alors que c’est un scooter. Ils ont dit comme quoi c’est les jeunes sur le scooter qui étaient en faute. C’est pas normal. Je les ai appelés, ils m’ont dit que c’était la police qui leur avait donné cette version-là. Je leur ai dit que c’était pas la vraie version. Je leur ai dit que clairement ils ont donné leur version à eux, pour pas dire qu’ils étaient en faute. Nous, on le vit mal, que ce soit la famille, les proches, sa femme, c’est très dur. Parce que le jour du décès, je me rappellerai toujours, à l’hôpital il y avait beaucoup de policiers pour un décès.
Hassan.- Après l’accident, je ne me rappelle plus de rien, j’ai eu un choc à la tête. J’ai eu un trou noir, un flash. Je me suis réveillé j’étais à l’hôpital. Les policiers sont venus le jour-même, quelques heures après l’accident, pour m’interroger alors que j’étais pas apte mentalement. J’étais encore sous le choc. Ils ont voulu prendre une déposition, mais je me rappelle que je leur ai rien dit, à aucun moment. Je les regardais fixement et je ne disais pas un mot. J’étais encore sous le choc, je venais de me faire opérer.
Radio Canut.- Et votre troisième copain, il lui est arrivé quoi ?
Hassan.- Il s’est cassé le fémur, il s’est fait opérer lui aussi. C’était très très grave aussi.
Ahmed.- Une voiture de pompiers est arrivée 15 minutes après. Alors que c’était 5 h30 du matin, alors que ça roule facilement à cette heure-là. Ils ont mis énormément de temps. 15 minutes c’est énorme.
Yamina.- Je suis Yamina, la sœur de Mehdi. Je suis arrivée à Grange-Blanche. On m’a fait attendre pendant une bonne heure. C’était au service de réanimation. Au bout de 3/4 d’heure, une heure, un médecin est venu m’expliquer que mon frère était décédé. J’ai pas eu le temps de faire quoi que ce soit qu’il y avait je ne sais combien de policiers dans le couloir. Un commissaire est venu me raconter sa version des faits… Il nous a indiqué que suite à un "essai de contrôle" mon frère est décédé. Qu’il n’y a pas eu de course-poursuite, qu’il n’y a pas eu de gyrophare, qu’il n’y a pas eu de mise en danger. En gros, qu’il est mort tout seul. Ils ont pas compris, il a coupé la route à la voiture de police et il s’est encastré dans un mur.
Suite à ça, j’ai été au commissariat de Marius-Berliet, où j’ai été très bien reçue par deux commissaires de la police judiciaire. Ils m’ont expliqué que, finalement, y’avait quand même eu les gyrophares. Mais qu’ils ne comprenaient pas pourquoi il avait coupé la route aux policiers et était parti s’encastrer dans un mur. Quelques jours après, je me suis rendu à nouveau dans ce commissariat, et là le ton a changé. Un peu comme si moi-même j’étais coupable d’un délit ou autre chose, je ne sais pas. En tout cas, pas comme une sœur qui venait récupérer les affaires de son frère qui venait de décéder.
Chérifa.- Je suis la compagne de Mehdi. Quand on est parti récupérer ses affaires, on a été très mal reçus. On s’est fait limite insulter. On aurait dit des enfants dans une école qu’on engueulait. Ils nous ont fait attendre une demie-heure en bas, ne on comprenait pas pourquoi alors qu’ils venaient d’enlever les scellés sur Mehdi, du coup nous on voulait le voir le plus vite possible. Dès qu’on est montés, on leur a demandé des explications. Le policier nous a dit qu’il était au téléphone avec le procureur, qu’il était sur notre affaire. Je lui ai gentiment dit « Autant pour nous », qu’on ne savait pas, qu’ils auraient pu nous le dire tout de suite, au lieu de nous parler comme ils l’ont fait. Le policier d’à côté s’est mis à s’énerver, je lui ai dit d’arrêter de me parler comme ça, alors que je ne lui parlais pas. C’est là qu’il m’a dit qu’il était chez lui ici et qu’il faisait ce qu’il veut. Voilà…
Radio Canut.- Le policier t’a dit quoi ?!
Chérifa.- « Je suis chez moi ici », oui oui, il me l’a clairement dit. Il m’a dit « Je suis chez moi ici, je fais ce que je veux. » Je lui ai répondu « Moi aussi je suis chez moi ici… »
Radio Canut.- Vous avez accès au dossier ?
Chérifa.- Non, on n’y a pas accès. Encore aujourd’hui, on ne sait rien du tout, rien.
Yamina.- On a été voir l’IGPN, elle n’a pas été mandatée sur ce dossier. C’est la brigade de la route qui l’est. Pour eux, c’est un banal accident de la route. Le scooter n’a pas été expertisé, ils n’en voient pas l’intérêt. « Ça coûte cher » : c’est ce qui nous a été dit au commissariat, et que l’Etat ne fait pas expertiser lorsque c’est un accident de la route. Soit-disant, en aucun cas la police n’est en tort ou a à se reprocher quoi que ce soit.
Aujourd’hui, on organise une marche. Déjà, en sa mémoire. Et pour nous, la famille, essayer de faire notre deuil. Mais aussi pour demander l’ouverture d’une enquête et la nomination d’un juge d’instruction. Pour qu’une enquête impartiale soit ouverte. Et qu’on arrête cette justice qui est toujours dans un sens.
Ahmed.- Il faut que la vérité sorte. Ils essaient de tout mettre à terre, pour que la famille lâche, se dise que c’est trop long. Mais nous, on lâchera pas ! Y’aura une marche le 28 janvier. Toute personne qui veut que justice soit faite, venez !
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