L’info figure en toutes lettres dans le cartel de présentation de Fabien Bagnon sur le site local des Verts : il est « membre du cercle d’orientation des Colibris de Pierre Rabhi ». Il est aussi noté qu’il est « co-président de L’Ecoclicot », une association qui précise sur son site web que sa philosophie est proche... de celle des Colibris.
Chez les Colibris, qui sont très fiers de leur « gouvernance novatrice », le cercle d’orientation est l’équivalent de l’assemblée générale : « Il est composé de tous les fondateurs [1] et les opérationnels, d’un représentant de chaque partenaire et de chaque groupe local protocolé (les groupes les plus avancés) et de 50 cotisants [2] tirés au sort. Au total ce sont environ 120 personnes qui constituent ce cercle chargé de veiller aux orientations stratégiques. » Si Fabien Bagnon n’est pas membre du conseil d’administration du mouvement, il fait donc pleinement partie des instances dirigeantes.
Dans le jeu électoral, et alors que les Verts jouent à fond la carte de la « société civile », cette appartenance est censée témoigner de l’engagement de Fabien Bagnon dans un mouvement écologiste bien connu. Comme la mention du fait qu’il soit délégué syndical CFDT est censée montrer sa fibre sociale...
Mais les Colibris, ce n’est pas n’importe quel mouvement. C’est un mouvement qui défend une écologie individualiste basée sur les petits gestes et qui refuse de comprendre qu’un·e simple citoyen·ne n’a pas la même responsabilité qu’un patron d’industrie dans la crise environnementale et climatique. C’est aussi un mouvement spiritualiste, parasectaire et réactionnaire, à l’image de son maître à penser, Pierre Rabhi. Rappelons donc ici brièvement les faits d’armes de celui qui essaie de se faire passer pour un humble paysan, mais qui est avant tout un businessman et un gourou réac.
Pierre Rabhi, Fabien Bagnon et l’anthroposophie
Pierre Rabhi a construit sa réussite médiatique sur tête de sympathique papi paysan et grâce à la caricature associée à la simplicité des hommes de la terre. Ses discours creux, qui prônent le petit geste individuel sans jamais remettre en cause le fonctionnement global de l’économie ou prononcer le mot capitalisme, le rendent assez inoffensif aux yeux des journalistes.
Inspiré par la pensée anthroposophique, courant ésotérique fondé par le gourou autrichien Rudolf Steiner et véritable multinationale de l’ésotérisme, Pierre Rabhi défend pourtant une vision politique tout sauf inoffensive et une écologie spiritualiste problématique. Loin de se contenter de fantaisies ésotériques supposées accélérer la pousse des radis (la biodynamie), l’Anthroposophie est connue pour ses propositions qui confinent à l’écofascisme, pour les théories racistes que professent ses textes fondateurs. Le mouvement est aussi surveillé, par des associations de luttes contre l’endoctrinement sectaire et par des États, en raison de sa dimension sectaire. En France, le passage de Françoise Nyssen, anthroposophe notoire et fondatrice d’une école Steiner, au gouvernement a probablement contribué à relâcher la surveillance en même temps que la restriction des moyens de la Mission interministérielle de vigilance et lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).
Sans grande surprise, le site de l’Ecoclicot, l’association que copréside Fabien Bagnon, ne compte qu’un lien dans la rubrique éducation de sa page « liens utiles » : l’école Steiner de Lyon. Les écoles Steiner-Waldorf sont le bras armé de l’Anthroposophie en matière d’enseignement. Sous couvert de pédagogie alternative, ces écoles privées hors de prix pratiquent un véritable endoctrinement des enfants, largement documenté, notamment par Grégoire Perra, ancien adepte, élève et enseignant en école Steiner. En tant qu’élu local, Fabien Bagnon aura notamment la charge de l’éducation publique. Le voir contribuer à diffuser la pub d’une école privée religieuse à tendance sectaire n’a rien de rassurant.
Pierre Rabhi, gourou homophobe et réac
Mais revenons à la figure tutélaire du mouvement que Fabien Bagnon contribue à diriger. Pierre Rabhi est en effet un homophobe notoire, s’opposant notamment au mariage pour toutes et tous ou la PMA avec des arguments qui varient de l’essentialisme (la nature ne connaîtrait pas l’homosexualité) aux bêtises de la Manif pour tous sur le droit des enfants.
Il a ainsi écrit dans son livre Pierre Rabhi, Semeur d’espoirs, sorti en 2013 en plein déferlement homophobe (chez Actes Sud, la maison d’édition de Françoise Nyssen) qu’il « considère comme dangereuse pour l’avenir de l’humanité, la validation de la famille « homosexuelle », alors que par définition cette relation est inféconde. » En 2013, il expliquait encore à Reporterre « Je suis plein de compassion à l’égard de ceux qui ont été victimes de discrimination et d’exaction. Que des gens s’aiment et aient des attirances, quels que soient les sexes... je ne vois pas où est le problème. Ils sont libres de le faire et heureusement. Mais que cela devienne ensuite une problématique sociale aussi énorme... Par contre, ce qui me pose problème dans le débat actuel, c’est qu’il y a une troisième entité qui n’est pas consultée. C’est l’enfant. L’enfant qu’on va faire naître par je ne sais quel stratagème... »
C’est aussi parce qu’elle ne serait pas naturelle, et donc dangereuse, que Pierre Rabhi s’oppose à la PMA. Quant à sa vision de l’égalité femme-homme, il y est tout simplement opposé puisqu’il écrivait en 2018 dans Kaizen, la revue du mouvement colibri qu’« il ne faudrait pas exalter l’égalité. Je plaide plutôt pour une complémentarité : que la femme soit la femme, que l’homme soit l’homme et que l’amour les réunisse. »
Très concerné par le sort des enfants, Pierre Rabhi n’a cependant jamais pris le temps de condamner la proximité de siens avec l’extrême droite complotiste d’Alain Soral. Ce qui se comprend assez bien, car si l’on creuse un peu le vernis du gentil papi paysan s’écaille carrément pour laisser apparaître la vraie personnalité de Rabhi : celle d’un gourou réactionnaire. C’est notamment ce que Jean-Baptiste Mallet a mis à jour dans deux articles publiés en 2018 par Le Monde Diplomatique [3].
Rabhi ne se contente en effet pas de répéter que pour changer le monde il suffirait de se changer soi-même ou de réciter la fable tronquée du colibri. Il est très croyant, célébrant dans son tout premier texte, en 1964, sa « folie de la croix ». Son père spirituel est Pierre Richard, médecin ruraliste et nationaliste convaincu. C’est avec cet ancien des Chantiers de la jeunesse (une organisation paramilitaire mise en place par le régime de Vichy) et d’autres catholiques très conservateurs, qu’il a vécu son « retour à la terre » au début des années 1960.
Rabhi a aussi été très proche de Gustave Thibon, intellectuel maurrassien et inspirateur de la politique agricole du régime de Vichy. Ami durant une trentaine d’années avec ce monarchiste défenseur de l’Algérie française, Rabhi a en quelque sorte pris son relai littéraire et politique en incarnant le paysan enraciné. Même s’il est d’abord allé tester ses méthodes agricoles ésotériques de la plus coloniale des manière au Burkina Faso (ce qui lui valu à l’époque les critiques de René Dumont, premier candidat écologiste à une présidentielle française en 1974).
Ses actions discutables, son sexisme et son homophobie affichés, tout comme ses proximités avec des militants d’extrême droite, n’empêchent pas Rabhi de s’enrichir grâce à ses adeptes et à l’opposé des idées qu’il est supposé prôner. Malgré ou grâce à leur contenu réactionnaire, ses bouquins lui rapportent de confortables droits d’auteurs. Quant à sa ferme, les Amanins (La Roche-sur-Grane, Drôme), elle ne tourne que grâce au travail gratuit de ses adeptes (qui se succèdent en woofing, échangeant de longues heures de travail quotidien contre le gîte et le couvert). Il en va de même pour tous les lieux des Colibris, à qui le bénévolat et l’absence de cotisations tiennent lieu de pensée sociale. Impossible d’en savoir beaucoup plus, ceux qui, comme Jean-Baptiste Mallet, essayent d’obtenir de la transparence financière de la part des Colibris se heurtent à un mur de silence. On comprend alors mieux pourquoi Rabhi répète à qui veut l’entendre qu’il ne faut pas opposer riches et pauvres. Et on comprend aussi qu’une telle exploitation n’est rendue possible que par le pouvoir d’attraction qu’exerce le gourou sur des centaines d’adeptes.
Monsieur Bagnon, renoncez !
Alors certes, même si l’association qu’il copréside fait la pub d’une école Steiner, Bagnon n’est pas Rabhi. Mais le caractère individualiste et réactionnaire de ce mouvement est public, documenté de longue date et assumé par Rabhi lui-même. Fabien Bagnon est donc forcément au courant. Contribuer à une instance dirigeante de son mouvement ne signifie pas forcément approuver toutes les prises de position de Rabhi. Mais c’est au moins les tolérer, et contribuer à les diffuser, ce qui est déjà extrêmement grave.
Que Fabien Bagnon, qui sera dans quelques semaines en responsabilités, soit proche d’une gourou homophobe et sexiste et ait présidé une association qui fait la promotion d’une école sectaire nous inquiète au plus au point. Quid des orientations qu’il prendra pour les établissements scolaires ? Quid des subventions aux associations qui luttent contre l’homophobie ? Nous, citoyen·nes lyonnais·es engagé·es de longue date dans des combats écologistes, ne pouvons pas accepter que ce soit une écologie réactionnaire et spiritualiste qui s’impose à Lyon.
Il n’y a pas de place à Lyon pour les soutiens de figures homophobes et d’opposante·es à l’égalité femme-homme, pas plus qu’il n’y en a pour les défenseurs de mouvements sectaires. Nous appelons Fabien Bagnon à renoncer à sa candidature. Nous appelons solennellement les militant·es progressistes qui pensaient soutenir une alternative écologiste à dénoncer l’appartenance de Fabien Bagnon à la sphère dirigeante des Colibris.
Nous appelons ses soutiens de la gauche institutionnelle, à désavouer publiquement Fabien Bagnon et à agir pour que jamais il ne dirige la circonscription de Lyon Centre.
Des écologistes atterré·es
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info