Couper des légumes pendant quelques heures pour une cantine qui servira plusieurs centaines de repas. Se réveiller tôt, au son de l’hélico au-dessus de la tête. Lever de soleil sur une barricade, énorme boule rouge derrière un épais nuage de lacrymos. Déguster un couscous vegan en première ligne, à quelques centimètres des flics, pendant que des clowns leur arrachent un sourire. Laisser libre cours à sa rage de défendre la ZAD à coups de cailloux et de bouteilles. Marcher des heures à travers forêts et champs en groupe de 5, 15 ou 50 sans savoir où aller et en se perdant un peu, avec un hélico au-dessus de la tête. Monter une barricade un peu n’importe où, se faire engueuler par des camarades, et la démonter aussitôt. Se rappeler qu’on est dans une zone de vie, de cultures et de résistances, qu’on n’est que de passage et en soutien, et que, toujours, écoute et humilité sont nécessaires.
Il ne s’agit pas ici de s’étendre sur les raisons de défendre la ZAD, qui ne me paraissent que trop évidentes : lutter pour une zone de libertés, de résistances et d’expérimentations politiques, agricoles, collectives, etc. Il ne s’agit pas non plus de discuter des stratégies, négociations ou pas, réoccupations ou pas, tout ça.
Je ne suis pas allé en « zone occupée » par les flics, où les bulldozers ont détruit des dizaines de cabanes. Je suis resté dans la « zone libre », où la lutte s’organise contre les incursions des flics, et pour la reconstruction. Ici, dans la « zone libre », nous sommes des centaines et des centaines. Plusieurs campings et dortoirs en dur permettent de se reposer, au moins 3 cantines cuisinent des centaines de repas chacune, les barricades sont montées et défendues chaque jour et chaque nuit, des structures sont fabriquées pour la reconstruction… Ici, à la ZAD, certains groupes sont assez organisés, mais il y a aussi beaucoup d’électrons libres, qui viennent à 3 ou 4 filer un coup de main quelques jours.
Tout le monde met la main à la pâte, de plein de manières différentes. On peut passer des heures à faire le guet sur des barricades désertes de jour comme de nuit, un talkie à la main ; faire le clown devant une ligne de gendarmes mobiles ; lancer des cailloux de temps en temps ; trimbaler de la bouffe d’un point à un autre ; amener des cafés chauds en première ligne ; sillonner les champs et les forêts, sacs à la main, pour récupérer les bouts de grenades ; proposer « citron, sérum, eau, chocolat ! » sur les barricades ; couper des carottes à 6 autour d’une table avec des masques à gaz autour du cou ; monter des barricades quand les flics sont partis ; filer la main pour transporter une immense structure en bois ; le soir, discuter avec les riverains qui viennent faire leur petite ballade pour « voir comment ça se passe »…
Ceci est un appel à se rendre sur la ZAD avec son énergie, son enthousiasme, du chocolat, des masques à gaz et des paillettes.
Parce qu’il y a besoin de plein de monde, parce qu’il y a déjà plein de monde, parce qu’il n’est pas nécessaire d’être ultra-organisé·e, parce qu’un minimum de sécurité suffit, parce que même si on n’a aucune envie d’aller balancer des trucs sur les flics, il y a tellement d’autres choses à faire, parce que monter sur la ZAD ça donne plein d’énergie, et parce que quand on en revient, on a juste envie d’y retourner !
>Parution du livre « Histoires de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes »
C’est un bouquin de 354 pages mélangeant 21 témoignages et photos.
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