Connaître ses limites et s’entraider pour éviter le burn out

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Ce texte revient brièvement sur quelques événéments qui se sont produits sur la Zad du Carnet et parle de burn out militant. Le même schéma se répète souvent : tu te retrouves seul·e à pouvoir faire quelque chose de vital mais tu n’en peux déjà plus physiquement et mentalement. Alors tu pousses tes limites et tu continues quitte à ne pas en ressortir indemne…

Le déchirement entre sentiment de devoir et incapacité physique ou mentale de continuer

Nous ne sommes pas nombreux·ses à nous investir dans le militantisme politique. Pourtant, il y a tant à faire pour détruire le vieux monde d’une part et pour construire des rapports plus sains entre humain·es et non-humain·es d’autre part.

Quelques fois, on se retrouve à être le ou la seul·e à pouvoir faire quelque chose de méga important alors qu’on est à bout de force. Beaucoup d’entre nous font alors le choix de dépasser leurs limites de ce qu’on est capable encaisser. Selon les cas, nous en ressortons avec une petite cicatrice ou en burn out militant dont il faudra plusieurs années pour en sortir…

Les situations sont tellement variées et uniques qu’il est impossible de donner des conseils pratiques dans ce genre de cas. Essayons juste de faire attention à nous-mêmes et aux autres. Construisons des groupes qui se rendent compte des dangers à vouloir trop en faire, des dangers qu’il y a de toustes se cramer de manière isolée à force de se mettre la pression. Soyons attentif·ves à l’état physique et mental de nos ami·es et encourageons les à prendre une pause en les relayant quand cela est possible.

Les crises psychologiques sur zone : un exemple pratique

Evidemment, quand une personne va mal sur la Zad, on fait de notre mieux pour l’aider, pour mettre en place un réseau de soutien quitte à ce que plusieurs personnes investissent toute leur énergie dans le soutien de la personne en détresse. Mais quand la crise est grave, souvent toute cette énergie ne suffit pas et on se retrouve dans l’impasse.

En effet, on ne peut que constater que nous ne sommes majoritairement pas formé·es à ce que la médecine appelle « maladies mentales ». Et même si nous l’étions, les conditions de vie précaires sur une Zad ne correspondent pas à ce dont ont besoin beaucoup de personnes qui ne vont pas bien. De plus, nous sommes sur une Zone à Défendre, pas dans un lieu de soin antiautoritaire et autogéré [1] : il y a tellement d’autres choses à faire ici qui nous accaparent notre énergie.

Alors celles et ceux qui choisissent de soutenir la personne dont l’état ne s’améliore pas peuvent se cramer à les aider tant le soutien à une personne malade peut être énergivore. Le risque est que pour tenter d’aider une personne, trois personnes brûlent toute leur énergie et fassent une crise à leur tour.

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Le projet Icarus est un réseau de soutien et de partage par et pour les personnes dont les manières d’expérimenter le monde sont souvent diagnostiquées comme des maladies mentales.

Mais aucun choix ne semble être bon : d’une part envoyer une personne malade vers des lieux qui ne nous conviennent pas politiquement (un hôpital psychiatrique par exemple) ou alors d’autre part laisser la situation s’aggraver sur zone en espérant que tout va s’améliorer. Face à ce dilemme, on attend parfois trop tard ce qu’on regrette à posteriori… Mais comment pourrait-on déterminer les situations gérables sur zone où l’on peut s’entre-aider des situations trop graves où l’on va collectivement dans le mur à vouloir aider de la mauvaise manière ?
Il est souvent plus fatiguant de transmettre le relais que de faire soi-même

On se rend compte souvent trop tard qu’on n’en peut plus. À ce moment là, il est clairement trop tard pour passer le flambeau de ce qu’on était en train de faire. Selon ce qu’on faisait, il peut être risqué de tout lâcher sans suivi (par exemple si on aidait quelqu’un en crise psychologique). Alors certain·es choisissent de continuer même si iels en peuvent plus.

Se rendre compte bien à l’avance que ce qu’on fait est au-dessus de nos forces permet de nous préparer à se faire relayer et de faciliter ce passage de flambeau. Plus on s’y prendra tôt, plus il y aura de temps pour échanger les informations nécessaires. Pour transmettre le relais, il faut (et c’est plus compliqué qu’il n’y parait) :

- trouver quelqu’un·e de disponible qui souhaite vous relayer,
- transmettre les informations nécessaires,
- transmettre ce qu’on voudrait faire pour la suite.

Cela peut être d’autant plus compliqué de se motiver à faire ces 3 étapes si on craint que sans soi les choses seront mal faites.

Quelques pistes de réflexions : vers des groupes plus résilients

La suite est une traduction d’un morceau d’un tract du projet Ulex (pages 15-16) pour un activisme plus soutenable. On ne peut penser un burn out d’une personne dans un groupe ou collectif comme un problème individuel : il s’agit d’un problème du collectif en entier d’où l’idée de construire des groupes que le texte qui suit appelle « résilients » pour prévenir les burn out.

La résilience est la la capacité d’un système à se remettre d’un choc ou à se rétablir après des difficultés. Il s’agit d’une qualité qui englobe la robustesse sans rigidité ainsi que la capacité à s’adapter et à apprendre. On pense que la résilience des écosystèmes et des systèmes sociaux est souvent liée au nombre et à l’éloignement des connexions au sein du système. La diversité et la connectivité sont des bons indicateurs de résilience.

La notion de résilience peut être utile pour parler de la soutenabilité de nos organisations et de nous-mêmes. Il y a des moments quand on doit donner tout ce qu’on a, des moments où on est surchargé·es et stressé·es. Que doit-on mettre en place pour se remettre et pour nous régénérer ?

De même que le burnout est multifactoriel, la résilience est favorisée par un large éventail de conditions interconnectées :

La résilience émotionnelle et psychologique
Il s’agit de notre capacité d’avoir des émotions fortes, de supporter la déception sans tomber dans le découragement, d’éviter l’apathie et le cynisme et de garder des racines fortes et profondes de motivation.

Soutien du groupe
Dans les études sur la résilience émotionnelle, il est devenu de plus en plus clair que la connexion que l’on a avec les autres est aussi importante que les situations psychologiques que l’on vit pour ne pas subir. De bon·nes ami·es qui écoutent, sont empathiques, nous laissent nous décharger de nos émotions et nous aident à analyser nos expériences constituent un réseau de soutien inestimable. Il est indispensable d’avoir autour de nous des personnes qui vont nous faire des retours quand nous sommes surchargé·es et qui vont agir pour nous aider émotionnellement et pratiquement quand nous en avons besoin. Créer ces réseaux de soutien constitue une étape importante pour avoir plus de résilience dans nos vies. Apprendre à accepter ce soutien est tout aussi important.

Résilience comportementale
Le changement de la société est un marathon et non un sprint. Il y aura des moments de sprints. Mais nous devons les choisir avec sagesse. Plutôt que d’être à fond dans des missions vitales en continu, nous avons besoin d’approches qui nous aident à garder des réserves et à reconnaître l’importance du rythme. Plutôt que nous lancer sans cesse en avant vers un futur incertain, nous devrions apprendre à être présent·es à chaque étape du changement social, à être capable de choisir notre direction plutôt que de se faire balader en aveugle par une dynamique imprévue. Et quand nous devons nous donner à fond, nous devons être capable de compenser cela avec un temps pour le repos et la récupération avant un nouveau sprint. Nous devons apprendre à trouver un équilibre entre donner de notre temps et de l’énergie et prendre du temps pour se ressourcer.

Résilience organisationnelle
Le manque d’organisations résilientes nous met une pression énorme. Des aspects importants d’une organisation résiliente sont les suivantes : apprendre à s’agrandir à un taux adapté (en termes d’objectifs et de nombres) ; apprendre à êre raisonnables dans nos choix d’actions et de luttes afin de trouver des défis qui nous permettent de gagner en puissance et d’apprendre plutôt que de nous mettre à terre ; créer des doublons afin de permettre aux gens de prendre du repos ; créer des cultures qui encouragent à prendre soin de soi et des autres ; augmenter la capacité de résoudre les conflits, de lutter contre les dominations et de rendre chacun·es plus puissant·es (empowerment).

Des connexions plus profondes
Les écosystèmes résilients sont souvent formés de connexions multiples. La connectivité et la diversité d’un écosystème constituent des indicateurs de résilience. Agir sur les trois différentes dimensions de notre connexion au monde – c’est-à-dire la connexion à nous-mêmes, aux autres et à la nature – peut être utile pour augmenter notre résilience. Être en connexion profonde avec soi-même, ses motivations principales en gardant notre vision fraîche et nos valeurs vivantes peut être important. Partager des objectifs et incarner des valeurs dans nos relations avec les autres nous permet de conserver notre inspiration et notre bien-être. Nous connecter à la nature – c’est-à-dire avec les non-humain·es – peut nous aider à trouver du ressourcement et des perspectives, de connecter ce que l’on fait avec quelque chose de bien plus grand que nous-mêmes et nos petits soucis.

Quelques ressources pour creuser

- La boîte à outils de Diffraction avec plein de ressources chouettes dedans,
- Les brochures éditées par le projet Icarus.

P.-S.

Article publié initialement sur le site de la Zad du Carnet.

Notes

[1Et des lieux de ce style manquent cruellement dans le milieu militant.

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