Nous étions nombreux ce 24 février sur les marches et dans la salle de la Cour d’Appel de Lyon, dans un quartier que les fascistes locaux considèrent comme leur fief, le Vieux Lyon. Un assemblage des fidèles du comité de soutien de Rochefort, des membres du comité éphémère de Lyon, et des camarades italiens venus en pullman comme ils disent. Tous et toutes en soutien à Vincenzo, contre les dernières vagues de la répression de Gênes 2001.
Plus de 20 ans après : l’assassinat de Carlo Giuliani, les blessés, les torturés de la caserne Bolzaneto, les torturés de l’école Diaz. Mais 20 ans aussi après les soulèvements de la rue, le déferlement sur Gênes de plusieurs centaines de milliers de personnes, les incendies et les affrontements, la tentative de mettre à bas leur monde à eux, Bush, Chirac, Berlusconi et compagnie.
Alors on en est où ? Aujourd’hui, ce même 24 février en Italie, le sort d’Alfredo Cospito est examiné devant la Cour Suprême. On apprendra le soir qu’il est scellé : Alfredo Cospito ne sortira pas du régime de torture des conditions d’incarcération du 41 bis. Autrement dit, la justice le met à mort.
Fascisme, justice, résistance. A la Cour d’Appel ce jour-là, il s’agit, pour la énième fois, de savoir si Vincenzo sera remis par la France aux autorités fascistes italiennes, qui l’ont condamné à 12 ans et demi de prison, grâce à la loi - fasciste - de ’saccage et dévastation’, entérinée sous le code Rocco, à l’époque mussolinienne. Enième hoquet putride de l’histoire.
Après avoir chipoté sur le nombre de soutiens qui pouvaient rentrer dans la salle, le président de séance, qui a des faux airs de Pat Hibulaire, entame la litanie du sinueux parcours judiciaire de Vincenzo. Arrêté en 2019 alors qu’il vit dans le Morbihan, Vincenzo est libéré par la Cour d’appel de Rennes, qui estime que la notification à son avocat italien n’ayant pas été faite, il existe une atteinte grave portée aux droits de la défense. Elle suspend donc le mandat d’arrêt européen (MAE) qui menace Vincenzo. Mais le procureur se pourvoit en cassation, et la décision de la Cour de Rennes est annulée. Nouveau cycle : Vincenzo se retrouve en novembre 2020 devant la Cour d’appel d’Angers, qui entend les arguments de ses avocats concernant la double incrimination : aucun équivalent à la loi ’saccage et dévastation’ n’existe en France, et c’est une des conditions d’exécution du MAE. Nouveau pourvoi en cassation du procureur qui renvoie la balle à la Cour de justice de l’UE. Cette dernière rend, le 14 juillet 2022, une interprétation de la situation en ce sens : sur la question de la double incrimination, nul besoin que les délits se correspondent exactement, et “dévastation et pillage” peut bien correspondre, à quelques années de condamnation près, à un vol en réunion avec violences.
Le juge le rappelle en préambule, la CJUE dit le droit et la France n’est pas tenue de s’y soustraire. Assurant d’emblée ses arrières, il nous raconte en creux qu’il ne décide pas grand chose et que ses mains sont liées, ou presque. Au cours de son monologue inaugural, il s’arrêtera tout de même sur la particularité de l’incrimination ’saccage et dévastation’ qui permet d’incriminer quelqu’un sans qu’il n’ait commis de fait positif : sa simple présence suffit. Une forme de complicité par soutien moral.[...]
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