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ZAD Testet

Le Collectif Jef Klak publie une Entretien fleuve avec des opposant⋅e⋅s au barrage de Sivens. Extrait :

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Non loin de Toulouse et d’Albi, dans le Tarn, tout est réuni pour un nouveau scandale écologique et politique. Une société d’économie mixte (CACG) juge et partie pour la construction d’un barrage destiné à l’agriculture industrielle, des violences policières inacceptables, des milices venues « casser du jeune », des enjeux au plus haut sommet de l’État où l’on voit le Parti radical de gauche (PRG) et son président Jean-Michel Baylet s’entendre avec le PS pour l’exploitation de quelques hectares de forêt…
Là où coulait un tranquille ruisseau, une lutte voit le jour contre le saccage des terres et pour une organisation sociale sensible à la notion de « bien commun ». Avant le rassemblement national du 25 octobre dans le Tarn, Jef Klak a rencontré deux opposant⋅e⋅s au projet de barrage pour comprendre les raisons et les enjeux de cette nouvelle ZAD (Zone à défendre).

Est-il possible de nous faire un très bref historique du projet de barrage du Sivens ?

Dans le Tarn, entre Gaillac et Montauban, un ruisseau nommé Tescou traverse la forêt de Sivens et la zone humide du Testet. Une vallée tranquille où l’on venait se balader ou se ressourcer, chasser ou cueillir des champignons – des usages vernaculaires, non marchands et, dans un certain sens, vecteurs d’autonomie. Bref, le profil type d’un bout de territoire « qui ne sert à rien » pour les élus et les technocrates ; dans leur tête, l’idée trotte depuis soixante ans de « valoriser » cette terre pour en faire quelque chose qui serve au développement économique. Les rapports se sont succédé au bal des projets inutiles : plan d’eau, centre de loisirs, déchetterie… Le type de chantiers qui demandent de ravager un territoire jusqu’ici préservé, le mettre au service d’autres portions de territoire déjà saccagées, que ce soit par l’agriculture intensive, l’urbanisation ou le tourisme…

En 2001, une enquête d’utilité publique est lancée sur le « confortement de la ressource en eau du Tescou », jetant les prémices d’un projet de barrage dans la vallée du Tescou. En 2009, une seconde enquête est censée remettre à jour les résultats de 2001, mais les données n’ont pratiquement pas été modifiées, alors qu’en neuf ans le débit du Tescou s’est transformé, les besoins en irrigation et en dilution des pollutions ont évolué, de même que le nombre d’agriculteurs ayant besoin d’irriguer. Ensuite, le projet a reçu plusieurs avis défavorables de la part d’instances chargées du patrimoine et de l’environnement : le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) en 2012, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) en avril et en septembre 2013.

À quoi correspond l’appellation « zone humide » ?

À une stratégie environnementaliste de « zonage du territoire » (assez comparable à celle des gestionnaires) pour essayer de préserver des niches écologiques face à la bétonisation généralisée. Mais elle s’est montrée incapable d’enrayer un système qui détruit la nature. « Zone humide1 » renvoie à des endroits marécageux accueillant une faune et une flore particulièrement riches, mais cette catégorie ne vient pas du parler paysan lié aux usages vernaculaires du territoire : ici, on parle de « bouilles » et il s’agit de terre sans grande valeur économique (d’où le nom du collectif d’occupation « Tant qu’il y aura des bouilles »). Les bouilles, c’est les mauvaises terres où pousse la « mauvaise herbe »… Le terme « zone humide » renvoie au contraire à l’idée de « conservatoire » chère à certains écologistes. Depuis que la forêt a été ravagée, certains voudraient en ce sens forcer l’État à replanter et restaurer la zone dans son état d’avant la déforestation – un état qu’ils s’imaginent sauvage ou vierge.

Quand on traverse la région, beaucoup de forêts et de bois semblent épargnés, et la retenue d’eau concerne une petite superficie2… Pourquoi ce projet a-t-il été décidé ici ? Y a-t-il d’autres enjeux qui font que c’est spécifiquement cette portion de territoire qui est visée depuis 30 ans ?

C’est vrai que de là où nous parlons, dans la région de causses et de forêts un peu plus au nord de Sivens, on a l’impression d’être dans une région préservée. Mais autour de la forêt de Sivens, c’est les plaines du Tarn et du Tarn-et-Garonne, avec leur agriculture et leur arboriculture intensives, des tournesols et des champs de maïs à perte de vue… Sivens est le début de cette zone de forêts et de collines qui remonte au Nord vers la Grésigne, puis s’étend vers l’Aveyron jusqu’au centre de la France. En terme géographique, géopolitique même, la signification pratique de ce barrage est que la « Beauce » du Tarn et du Tarn-et-Garonne étend son emprise sur un territoire qu’elle n’avait pas encore défiguré.

Il y a aussi cette histoire d’industrie laitière : l’un des arguments en faveur du barrage consistait à dire que l’eau du Tescou n’était pas utilisable par les agriculteurs parce qu’une industrie laitière Sodiaal y déverse ses déchets toxiques. Contrairement au discours ambiant qui s’émeut des catastrophes écologiques en cours, on préfère donc diluer les pollutions plutôt que les stopper3…

L’agriculture industrielle est au cœur de cette lutte. Le conseil général martèle que la « retenue » servira à 70% pour l’irrigation et à 30% pour « soutenir l’étiage » du Tescou. C’est-à-dire qu’on aurait besoin du barrage pour la maïsiculture (très forte consommatrice d’eau), mais aussi, cerise sur le gâteau, pour diluer les pollutions d’une coopérative laitière industrielle (Sodiaal, c’est tout de même la cinquième coopérative de lait mondiale) et d’une station d’épuration. En effet, « soutenir l’étiage » du Tescou signifie faire en sorte qu’il y ait en été un niveau d’eau suffisant dans le Tescou, ruisseau qui a tendance à s’assécher, ce qui concentre les pollutions.

Qui est à l’origine de ce projet de barrage ?

L’initiative vient d’une compagnie d’économie mixte (public-privé), la CACG (Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne4), et de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne – c’est-à-dire les deux sociétés qui gèrent le potentiel hydraulique de tout le bassin de la Garonne autour de Toulouse, en aval et en amont. La CACG a construit beaucoup de barrages et de retenues, à des fins différentes : certaines ont été faites pour la centrale nucléaire de Golfech et d’autres pour l’agriculture. Cette compagnie a 17 autres barrages dans les tiroirs pour les années à venir. Dans son conseil d’administration siègent beaucoup d’acteurs publics : André Cabot (vice-président du conseil général du Tarn et membre du conseil d’administration de l’Agence de l’eau Adour-Garonne), Christian Astruc (conseiller général du Tarn-et-Garonne), Jean-Louis Guilhaumon (vice-président de la région Midi-Pyrénées), Henri-Bernard Cartier (président de la Chambre régionale d’Agriculture de Midi-Pyrénées), Yannick Villeneuve (directeur du Centre d’affaires Gascogne Bigorre de la Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées), Bernard Lalane (Caisse Régionale du Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées), etc.

Le projet est porté par les conseils généraux du Tarn et du Tarn-et-Garonne, avec l’appui de l’Union européenne. Un des détails que mettent en avant une partie des opposant⋅e⋅s, c’est que la CACG a mené à la fois l’étude d’utilité publique en 2001, et le chantier. C’est donc la même compagnie qui justifie le projet et qui le réalise, en plein conflit d’intérêts…

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La suite à lire sur : http://jefklak.org/?p=1120

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