• L’opposition au barrage du Testet exprime un refus de l’aménagement économique du territoire. Ici une carrière, là une éolienne, ailleurs une ligne de TGV ou un aéroport : en réaction à ces agressions et à cette dépossession, les habitant.es réagissent, les luttes locales se multiplient. Pas un hectare ne doit échapper à la valorisation marchande. Ni à la police.
• Chaque jour, la police gaze, blesse, estropie. Elle tue aussi. C’est dans son rôle, elle est la main armée des dirigeants au pouvoir, de la classe dominante et possédante. Avec le meurtre de Rémi, cette réalité nous éclate à la figure, une fois
de plus. La violence d’État exercée et justifiée avec cynisme a provoqué la colère de la rue. À côté des hommages à la mémoire de Rémi s’exprime aussi la haine d’un pouvoir assassin. Et la rue, son désordre, sa vie propre - et sale - ne peut qu’avoir tort, être coupable.
• Rémi Fraisse est le premier manifestant tué par la police en France depuis 1986. Cette fois, les médias s’acharnent à créer une image propre et récupérable de Rémi en invoquant son milieu social, son absence de casier judiciaire, son dit pacifisme. Sa mort est devenue une affaire d’État. La semaine précédente, la police toulousaine abattait Timothée Lake, un jeune homme du même âge, soupçonné de braquage et muni d’un pistolet en plastique. Un simple article dans la presse locale. Les morts qui comptent sont ceux que l’on peut utiliser pour se faire une place au chaud au
gouvernement, dans l’opposition ou à la table des futures négociations sur le barrage du Testet.
• Les « casseurs » , « djihadistes verts », et autres « nihilistes noirs » ont envahi... la presse. Et tout le monde est sommé de se positionner, de se désolidariser. Journalistes, politiciens et militants autoproclamés « pacifistes » réactivent une opposition artificielle entre dits violents et dits non-violents. Cette stigmatisation permet de déshumaniser celles et ceux qui ne respectent pas la légalité, offrant ainsi un permis de tuer à une police militarisée. Comme si la police avait face à elle des adversaires de force égale, des « professionnels de l’affrontement », des "combattants ».
• Considérer qu’il est « violent » de casser une vitrine ou de jeter une motte de terre sur des militaires en armure revient à vider ce mot de son sens. Ces pratiques qualifiées de violentes ont existé de tous temps et coexistent avec beaucoup d’autres. Beaucoup de manifestant.es passent des unes aux autres. Une manifestation n’est pas un « cortège discipliné et pacifique ». Si une manifestation ne porte pas en elle de menace de désordre, quel rapport de force peut-elle créer ?
• À l’heure où les vendeurs de solutions politiques dénoncent le fait même de se protéger de la police, la seule forme de violence tolérée devient celle exercée contre soi-même. Faire des grèves de la faim, se coucher devant des bulldozers, s’enterrer ou se dénuder à la merci de la violence étatique, n’est pas, pour nous, relever la tête face à la destruction organisée de nos vies. Nous refusons de nous soumettre au culte du martyr, à l’image choc qui ferait basculer l’opinion publique.
• Les questions de la confrontation avec la police, de la peur qu’elle suscite, sont inévitables et devraient être posées en assemblée au lieu d’être évacuées sous prétexte de pacifisme ou appropriées par des petits groupes. Quels rapports avons-nous à l’action directe, à l’illégalité ? Pourquoi et comment riposter ? Comment se protéger les un.es les autres ? Comment prendre en charge les conséquences judiciaires ? L’assemblée nous parait un outil indispensable pour fabriquer la confiance et la solidarité nécessaires à une action collective. A fortiori pour réagir à un événement aussi grave que la mort d’un manifestant.
2 novembre 2014
Assemblée Al Païs
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