Màj à 20H00 : Après 2 heures de conseil de discipline ou près de 60 lettres de soutien et 20 témoignages de collègue ont été lus afin de prouvé la disproportion entre la faute et la sanction demandée, il s’en est suivi 45mn de délibération ou aucun consensus n’a pu avoir eu lieu entre les délégués du personnel et la direction. Dans tous les cas, ce bureau n’a qu’un avis consultatif et c’est bien le directeur du service courrier colis (DSCC) qui doit prendre la décision finale qui sera ensuite transmise sous 10 jours à Florent... une sanction pour l’exemple n’étant malheureusement pas à exclure ...
La soixantaine de personnes présentes sur place non eut de cesse de marteler leur soutien avec le slogan repris par toutes et tous : Pas de sanction pour Florent !!
Entretien avec Florent, facteur syndicaliste menacé de licenciement pour avoir dénoncé les cadences infernales
Est-ce que tu pourrais expliquer pourquoi tu es en grève aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
D’abord, je suis en grève pour inciter la boîte, La Poste, à abandonner un projet. Il s’appelle Livraison 2020. Il sert à alléger la masse salariale et à donner aux facteurs et aux autres services de nouvelles tâches. Donc une surcharge considérable de travail est envisagée et déjà subie par mes collègues et moi-même dans notre service.
Qui plus est, il y a une chiée de procédures disciplinaires qui sont engagées en ce moment à l’encontre de personnels militants ou non militants, syndiqués ou non syndiqués. Ça arrive dès que la boîte sent qu’il y a un certain sursaut de revendication ou d’indignation.
Enfin, aujourd’hui je passe en conseil de discipline avec le licenciement comme sanction potentielle pour « irrespect envers la hiérarchie » et « insubordination ».
Est-ce que tu peux raconter un peu ce qui s’est passé ?
Effectivement j’ai tenu des propos grossiers à l’égard de ma supérieure hiérarchique, qui ne la visaient pas directement elle. Il faut savoir qu’un jour, un samedi, le 14 novembre, comme tous les jours après ce que nous appelons dans le jargon « le tri général », j’ai invité mes collègues à prendre leur pause avec moi. Ça, ça fait huit ans que je suis facteur et huit ans que je le fais.
Et ce jour-là, la hiérarchie m’est tombée dessus énervée en me disant « vous retournez sur votre proposition, interdit de prendre la pause, etcetera ». Évidemment, moi j’ai répondu en disant que je connaissais les règles de la prise de la pause et qu’elle commençait à nous casser les couilles avec ce genre de crise d’autorité. Premier faux pas, pourrait-on dire.
Donc là, elle invoque des raisons plutôt obscures de travail collectif, de bac à séparer entre deux tournées et que si je vais en pause maintenant j’enfonce ma collègue binôme qui travaillera toute seule, etcetera. A ça, je lui réponds qu’elle, la chef, n’a qu’à la faire elle-même cette séparation de bac. Elle me répond qu’elle a déjà un travail. Et moi je lui réponds que je m’en branle. Donc deuxième faute a priori puisque on ne dit pas « je m’en branle » à sa hiérarchie même si je me branlais de sa situation de chef et pas de surcharger ma collègue de travail.
Ça ce sont les faits qui se sont produits. Après le dossier comprend plusieurs faits qui se sont produits ces dernières années à la poste. Différents refus notoires d’effectuer des tâches supplémentaires qui auraient nuit à la qualité du service que je pouvais rendre à la population, parce que tout travail qu’on me donne en plus m’empêche de distribuer autant de courrier, notamment en fin de tournée.
Il y a une vraie dégradation de la situation de travail à La Poste ?
Oui, tout à fait. On est censé faire des vacations de 7 heures. Et aujourd’hui, notamment sur le premier arrondissement que je dessers, on peut envisager que la journée de taf moyenne pour quelqu’un qui a une bonne cadence, je veux dire pas trop abîmé par le travail, on est plutôt sur des vacations qui vont être de 8 heures, 8 heures 30, 9 heures, pour assurer l’ensemble des tâches qui nous sont confiées.
Donc on est soit dans le travail dissimulé, soit dans les heures supplémentaires. N’étant pas intéressé et n’étant pas dans la capacité de faire des heures supplémentaires... Les gens dans ma situation ne finissent pas leur tâche quotidiennement. Et ceux qui ne peuvent pas imaginer ne pas aller jusqu’au bout débordent soit avant la prise de service, soit après. On voit des collègues, évidemment aussi des CDD, qui ont moins de facilité à faire le job, faire des semaines de 40 ou 45 heures au lieu de 35.
Tu vois comment l’avenir du salariat à La Poste ?
C’est très clairement envisagé sous l’angle de la précarité, avec l’arrivée dans les services de l’intérim. L’intérim ponctuel qui plus est. On ne va pas parler de missions de plusieurs semaines ou plusieurs mois, qui permettraient aux intérimaires d’acquérir une expérience qui leur permettraient de servir la population avec une qualité supérieure. On est sur des missions ponctuelles : des intérimaires qui arrivent, qui sont envoyés dans des zones qu’ils ne connaissent pas forcément, on leur indique de prendre tel bus, de descendre à tel arrêt et de distribuer telles allées, sans connaissance des spécificités du métier.
Et puis surtout, la dernière réorganisation, par sa forme, ne nous permet pas, au vu des effectifs en présence, d’effectuer quotidiennement la charge de travail qui est la notre. Là, il y a un vrai manque de la direction de La Poste quant à sa mission de service public.
Prise de parole de Florent lors du rassemblement des postiers en grève
Une cinquantaine de personnes sont rassemblées sur le parvis de La Poste
Il y a des démarches, collectives ou individuelles, locales ou extralocales, qui ont été engagées pour afficher votre soutien par rapport à ma CCP. Le licenciement est envisagé, je vous rappelle les faits : refus d’obéissance et irrespect envers ma hiérarchie.
Vous avez été nombreux à me demander si ça allait bien. Ça va très bien. Ça va très bien parce que si je suis ici c’est pour des questions de convictions défendues. Je tiens à préciser que défendre des convictions c’est ce qui nous différencie un peu des animaux donc voilà on pourrait dire que je suis ici parce que j’ai été un humain, c’est pas mal. Ces convictions sont partagées dans mon foyer, ces convictions sont partagées par de nombreux collègues, de plus en plus. Donc voilà, aujourd’hui passer à la moulinette patronale ça faisait partie des potentielles règles du jeu qu’il va falloir contester toujours plus bien évidemment.
Je n’ai pas la prétention d’incarner la revendication, la dénonciation, l’organisation. J’ai juste la prétention d’en user et de continuer d’en user quelle que soit la sanction, toujours dans le but d’améliorer les conditions de travail et le service rendu aux usagers. C’est pour ça que je n’ai vraiment pas peur.
Donc c’est pas très glam’ pourquoi je passe. C’est pas du militantisme… Avoir dit « je m’en branle » à ma chef, on a fait mieux quoi. Mais bon ça a été dit dans un contexte pour moi d’abus d’autorité, une forme de marche ou crève. Le marche ou crève qui est explicitement revendiqué par la directrice adjointe comme le futur de La Poste, dans un note interne qui apparaît dans mon dossier. Je vous la lis en partie. Elle dit : « Je suis allée dans la travée après l’échange. Monsieur X et son collègue m’ont fait part qu’ils en avaient assez du harcèlement mené par leur encadrante. Je leur ai répondu qu’elle était leur supérieure hiérarchique et qu’à ce titre ils devaient obéir à ses consignes ». Donc de la hiérarchie, pas du harcèlement. Le marche ou crève qui est en train d’être imposé comme le moyen politique de base à La Poste ne doit pas évidemment prendre pied et ne doit pas être un impondérable ou un pilier d’une société d’humains.
Aujourd’hui, ne pas être licencié serait une victoire, bien évidemment. La plus grande victoire ce serait qu’à partir de demain le précaires privés d’emploi et les travailleurs s’érigent pour dénoncer la politique, l’augmentation des cadences, la déliquescence du tissu social, blabla, blabla. Voilà : demain soyons toujours plus nombreux. Moi je serai là, ne sais pas où je serai mais toujours militant. Dans l’immédiat, je vous remercie beaucoup et puis on va aller leur mettre les points sur les i.
Les personnes rassemblées scandent « Pas de sanction pour Florent ! ».
Suite à l’ajournement du conseil de discipline pour cause de quorum non atteint, celui si déroulera finalement ce vendredi 29 janvier à 16h et nous appelons donc à un nouveau rassemblement le vendredi 29 janvier à 15h30 devant la grande poste place Antonin Poncet !
N.B : Le logo de l’article est une photo d’un badge que portait les manifestant.e.s
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