On a tendance à penser la langue comme apolitique et anhistorique : peut-être est-ce l’une des raisons qui nous conduit à ne pas prendre la mesure de toutes ces manipulations ?
Oui. On ne connaît pas l’histoire de la langue ni celle de la normalisation de la langue. Ce n’est absolument pas enseigné à l’école et on en voit les effets — par exemple avec les croyances au sujet de l’orthographe. Les gens pensent sincèrement que « la langue de Molière » est la même que la nôtre, que si on fait une réforme de l’orthographe on va déformer « la langue de Molière ». Alors que Molière, comme Racine, c’est retranscrit, c’est retraduit. Il y a eu plusieurs réformes de l’orthographe depuis les éditions de la fin du XVIIe, qu’on peut retrouver sur Gallica. Ce qui a changé, c’est le vocabulaire, en partie, la syntaxe, un peu, mais surtout l’orthographe. Elle était très différente au XVIIe siècle : pas de différence entre le u et le v, pas de circonflexe, l’usage des tildes pour noter les nasales…
L’orthographe est historique, mais serait-elle aussi politique ?
Oui. Il y a toujours eu plusieurs variantes orthographiques en concurrence dans les usages, mais la tradition de l’Académie française a toujours été de choisir les variantes les plus difficiles. C’était un choix nettement politique et élitiste ; il s’agissait de choisir les variantes les plus éloignées de l’écriture « des ignorants et des simples femmes », qui avaient très peu accès à l’éducation scolaire et qui écrivaient de manière plus proche de la prononciation. Pourtant, le courant « phonétiste », qui plaidait pour une écriture proche de la prononciation, a existé dès le XVIIe siècle, y compris parmi les premiers académiciens, mais il n’a jamais réussi à s’imposer. Pendant longtemps, l’écriture a été dissociée de l’orthographe. On apprenait d’abord à écrire et puis ensuite, éventuellement, à « mettre l’orthographe » en lien avec l’étude du latin et du grec. À l’époque, jusqu’au XIXe-XXe, l’orthographe n’est vraiment pas destinée à tous : c’est une pratique de distinction sociale. Cela a posé beaucoup de problèmes quand, à la fin du XIXe, avec la démocratisation de l’enseignement, il s’est agi d’enseigner à tout le monde quelque chose qui avait justement été inventé pour ne pas être pour tout le monde. On souffre actuellement de cette situation-là dans l’enseignement, par rapport à d’autres langues romanes comme l’espagnol, dont l’orthographe respecte bien davantage la prononciation et non l’étymologie.
>Tarnac, une affaire d’État
Retour sonore sur une affaire qui aura défrayé la chronique : manipulations politiques, dérives policières, curée médiatique, création d’un ennemi intérieur : « l’ultra-gauche mouvance anarcho-autonome » ... tous les ingrédients d’une affaire d’État qui débutta le 11 novembre 2008.
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info