Que nous restera-t-il de Barre ?

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Barre se barre à 83 ans, ce 25 août 2007.
Il fut maire éphémère de Lyon.

- Comment peut-on honorer quelqu’un qui trouvait que le repris de justice Bruno Gollnisch « est un homme bien » et que le collabo Papon « était un grand commis de l’État » ? Barre avait d’ailleurs appelé Maurice Papon comme ministre dans son gouvernement de 1978 à 1981, le même Papon qui n’avait pas hésité, pendant la guerre, à envoyer des centaines de personnes, y compris des enfants, à la mort et dans les camps de concentration et à faire tuer à Paris, en 1961, comme préfet de police, des centaines d’Algériens... Mais est-ce si étonnant pour un homme décidément raciste puisqu’il avait aussi osé définir l’attentat en 1980 contre la synagogue de la rue Copernic comme « un attentat odieux qui voulait frapper les juifs […] et qui a frappé des Français innocents », et qui s’était élevé contre « la campagne faite (alors) par le lobby juif le plus lié à la gauche » ?

Autrement, en tant que premier ministre de Giscard, Barre c’est l’économiste qui préconise un volant important de chômeurs pour permettre l’enrichissement des patrons. Dès 1978, c’est le premier qui ne se gêne pas pour lancer des salaires précaires, avec les stages Barre, chose que l’on n’avait pas vue officiellement depuis la libération. C’est tout le contraire, déjà, du programme de la Résistance. Ce coup de barre, on voit où ça nous a mené...

Barre nous méprisait profondément

- C’est le seul maire de Lyon qu’il était impossible de rencontrer personnellement dans son bureau, il mettait toujours une barre entre lui et nous, et nous faisait recevoir par un sous-fifre. Député des Brotteaux, le 6e arrondissement de Lyon, il habitait Paris.

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À Lyon, c’est Barre qui a fait couper des arbres multi-centenaires du Parc de la Tête d’Or rien que pour un soi-disant jogging de Clinton lors du G7 de juin 1996. C’est lui qui, à l’occasion de cette réunion du G7, a fait détruire en urgence l’ancien palais des congrès, qui gênait la vue d’Interpol, alors qu’il avait bien meilleure allure que ce qui a été construit sur les anciens bâtiments de la foire, ce qu’on appelle depuis le quai des enfoirés. [1] Le seul intérêt de ce G7, cette réunion honteuse d’arrangements des gouvernements les plus riches, est d’avoir permis à Lyon d’inaugurer la première médiatisation des contre-sommets pour faire connaître les autres voix de la planète et prendre des initiatives de résistance, avant que naissent par exemple des forums sociaux mondiaux, ou l’Action Mondiale des Peuples... Evidemment ça, on ne le doit pas vraiment à Raymond Barre.

À part ça, le transfert à Lyon de Normale Sup et du Conservatoire, mais la décision a été prise quand Barre était premier ministre de Giscard, avant mai 1981. Pour le reste, tout ce qu’il a impulsé a foiré comme le projet de banque européenne sur le bord de la Saône, l’implantation de la délégation à la condition féminine avec Nicole Pasquier qui a fait flop très vite, tout comme la fondation de la photographie. Pour ce qui est de la remise en circulation du tram à Lyon (parce qu’avant la guerre il y avait 42 lignes de tram en service sur l’agglomération) on le doit beaucoup plus à la ténacité de Lucien Durand qu’à Raymond Barre qui n’en a fait que l’inauguration. C’est Lucien Durand, conseiller général et adjoint du 9ème arrondissement qui a réussi à imposer à Lyon l’idée du tram, beaucoup moins cher que des prolongations du métro, ainsi que des couloirs propres pour les bus. Et la nomination par l’UNESCO en 1998 d’une grande partie de Lyon au patrimoine mondial de l’humanité, on le doit énormément à Régis Neyret, le fondateur de la Renaissance du Vieux-Lyon et non à Raymond Barre.

D’ailleurs, ce poste de mairedelyon ne le passionnait pas vraiment : n’a-t-il pas dit que cela ne l’intéressait pas de s’occuper de « grèves d’égoutiers » ? Chirac l’a envoyé se parachuter comme maire de Lyon, car il ne voulait pas que Barre se représente en 1995 contre lui aux présidentielles. C’était à prendre ou à laisser, un des arrangements à la bonne franquette entre nos gouvernants. Et Barre a été élu parce que Noir était très mal en point. Noir et Carignon ont été lâchés par le RPR qui les a enfoncés : ils avaient les dents longues et convoitaient la présidence ; ils avaient parlé de moraliser la vie politique, tout en magouillant, mais ils se sont trouvés devant des requins qui avaient les dents encore plus longues et qui avaient pris les devants comme Chirac, puis Sarkozy. Barre en a profité, mais lui aussi en a toujours voulu à Chirac. D’ailleurs, pour faire la nique à Chirac, il ne s’est pas représenté en 2001 et il a laissé son fauteuil de maire de Lyon au PS, à son chouchou Gérard Collomb, qui lui voue une gratitude filiale incommensurable.

Nous sommes bien mal barrés...

Notes

[1Et oui, aussi en souvenir de Coluche, mort en juin 1986, c’est-à-dire juste dix ans avant ce sommet ignoble des 7 gouvernements les plus riches. Le nom officiel c’est « Cité internationale ».

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  • Le 30 août 2007 à 08:06

    Catholique plus que fervent, le Raymond était, aussi, un membre imminent de l’opu dei, cette organisation catholique très puissante du Vatican (lire dans le Diplo).

    À ajouter à la bio du môssieur : les expulsions des lieux alternatifs et des squats de la Croix Rousse dans les années 90.

  • Le 28 août 2007 à 12:50, par Hervé

    Barre, mon bon monsieur, c’était l’homme des thinktanks les plus libéraux, le fossoyeur de la sidérurgie française, partisan de la peine de mort, réac en morale et chiant pour de vrai...
    Il n’a pas eu le temps de finir son boulot en 1981 sinon la France serait devenue le même champ de ruines que l’Angleterre après Thatcher.

  • Le 28 août 2007 à 07:32, par Totof

    oui, un mot rapide. Il était appelé par certains « le meilleur économiste de France ». D’où ça vient cette appélation ? A-t-il théorisé quelque chose ? Ca m’étonnerait qu’il nous reste grand chose de lui en la matière. Il n’a fait qu’appliquer et enseigner, comme tous les économistes libéraux, des schémas théoriques issus de nos maîtres anglo-saxons en toute ignorance de ce qu’est l’économie dans l’histoire et de sa place dans la société. N’oublions jamais que nous avons affaire à des incultes.

  • Le 27 août 2007 à 06:48

    « Que nous restera-t-il de Barre ? »

    Je donne une réponse personnelle à cette question : une belle colère d’un bourgeois plus obsédé par un système économique que par le sort de ses congénères et pour preuve lors de l’occupation de la communauté urbaine de Lyon en janvier 1998... Une cinquantaine de chômeurs interromptent la tenue d’une séance, l’homme parade face à la horde des affamés qui réclament des comptes sur l’usage des deniers publics pour l’aide sociale. Il aura fallu que ces crève-la-faim s’emprennent au buffet de ces chers élus pour avoir la réponse de ce « grand homme » : il prit la fuite en vociférant et en criant au vol !!! Finalement pas si grand le « bonhomme » !!!

    Allez... j’en ajoute une louche ! Toujours en janvier 1998, c’est ce « grand homme » qui ordonna l’expulsion des chômeurs qui occupaient la mairie du 9e arrondissement, en plein hiver à 6 h du mat’. Pourtant la veille le maire du 9e arrondissement avait donné son accord pour l’occupation, qui était-il pour avoir si peu de parole ? L’actuel maire de Lyon : Gérard Collomb ! Et toujours à propos de ce « grand homme », certains gueulaient déjà : « qu’il crève » ! C’est fait.

    Il y a une multitude d’exemples mais ceux-ci montrent suffisamment la haine de classe de ce « grand homme », son mépris pour les prolétaires.

    Aujourd’hui on célèbrera le brillant économiste qu’il était... un économiste du capitalisme, pas un humaniste, car on ne célèbre pas les humanistes...

    Voilà ce qui me restera de Barre...

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