Genres et Classes, Incendo hors série vient de sortir !

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Éditorial
Première main : « La lutte contre la patriarcat d’abord ! »
Deuxième main : « Abattre le Capital c’est plus important ! »
Ultime main : « Au lieu de lutter contre le patriarcat ou contre le capitalisme on ferait mieux de lutter pour le communisme, ça serait plus simple, non ? »
Ecrit sur les murs des chiottes d’un squat avignonnais en 2007.

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Certains se demanderont ce qui nous a poussés à consacrer un numéro spécial aux liens entre rapports hommes/femmes (ou questions de genres, ou sexuation) et rapports de classes, entre domination masculine et capitalisme, sujet pour le moins épineux. L’explication se trouve dans les discussions sur l’oppression des femmes, vives et conflictuelles, qui animèrent un temps l’équipe du journal (aujourd’hui composée d’une minorité de fille). Pour caricaturer, on pourrait dire que s’opposaient ceux (et celles) qui plaçaient en priorité la lutte des classes (par exemple dans le sommaire), et celles qui pensaient que les questions de genres devaient être visibilisées, et donc mises en avant. Cette division, pouvant aller parfois jusqu’à une occultation réciproque, nous l’avons maintes fois croisée en d’autres circonstances, et elle semble assez fréquente. D’un côté nombre de théoriciens, activistes et autres militants « lutte des classes » excluent les questions de genres et de domination masculine, les considérant au mieux comme secondaires et automatiquement solutionnées lors de lendemains forcément chantants. De l’autre, nombre de féministes ne s’intéressent que peu, formellement ou pas du tout à la lutte des classes. Nous n’étions pas satisfaits, a priori, des positions dont nous avions connaissance (les textes et analyses pertinents, pour la plupart des années 1970, nous paraissaient datés), et notre méconnaissance de la domination masculine aujourd’hui, au-delà des clichés militants, était patente. De nos premières questions en découlait une impressionnante série quant au rapport avec le mode de production capitaliste : quels liens entre genres et classes ? entre patriarcat et capitalisme ? s’agit-il de deux systèmes distincts ? l’un a-t-il engendré l’autre ? l’un a-t-il absorbé (intégré) l’autre ? les genres sont-ils des classes ? le capitalisme peut-il abolir les genres ? etc.

Pour nous, l’important était de tenter une analyse du rapport entre genres et classes aujourd’hui, et notamment de voir en quoi ce rapport a évolué depuis les années 1970 et ce que cela implique. Il est évident que la domination masculine est toujours bien présente [1]. Ce qui est moins évident, c’est son éventuelle disparition. Peut-on l’abattre ? Comment ? Quels peuvent être le rôle et l’impact des « révolutionnaires » dans cette disparition ? Une action spécifique « antipatriarcale » est-elle nécessaire ? En non-mixité ? etc. Il ne s’agit pas pour nous d’un petit jeu intellectuel car, si elles ont un intérêt dans une perspective révolutionnaire, les réponses à ces questions influent également sur nos pratiques quotidiennes.

Il nous est rapidement apparu qu’il est impossible (au-delà d’une position éthique s’opposant à toute oppression) de faire l’économie de la question des genres dans une perspective révolutionnaire. D’une part parce que la sexuation (c’est-à-dire la répartition des tâches selon le sexe ou le genre, la première division du travail), bien antérieure au capitalisme, lui est intrinsèquement liée. D’autre part, parce qu’une société où perdureraient des formes de hiérarchie et de domination sociale serait difficilement qualifiable de communisme.

Avec ce numéro spécial « genres et classes », il s’agit pour nous, au terme d’une première étape de discussions (toujours vives et conflictuelles), de poser en l’état nos réflexions. Conscients de leur modestie et de leur caractère non abouti, nous les livrons comme un ensemble de notes et de pistes de réflexion pour contribuer au débat. Nous aurions souhaité aborder cette question sous d’autres angles, comme la famille, les grèves d’ouvrières et la place des femmes lors des luttes, la sexuation dans d’autres régions du monde [2], la sexualité et les identités sexuelles (question majeure), le rapport au corps, son appropriation par la médecine, féminisme et Islam, le rapport au Droit, etc. Voila qui nous incite à ne pas nous arrêter là et à poursuivre nos réflexions en prenant en compte réactions, critiques et contributions que vous ne manquerez évidemment pas de nous adresser  [3].

La bande d’Incendo

La suite à lire sur : http://incendo.noblogs.org

Notes

[1Nous ne dresserons pas ici un tableau des « inégalités » entre hommes et femmes dans cette société, que l’on peut aisément trouver, notamment dans la presse militante ou bourgeoise, au mois de mars de chaque année.

[2Nous sommes bien conscients que nos réflexions n’ont pour objet que la société occidentale, plus particulièrement la France, et que c’est un problème. Notre lecture est donc partielle, mais de toute façon la révolution ne se passera pas de la même manière partout sur le globe.

[3En 140 caractères maximum

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  • Le 9 novembre 2012 à 09:44, par Scum Attrubute

    on trouve en effet des publicités pour ce livre....
    même au NPA ou sur de nombreux sites militants...

    et depuis peu l’ouvrage est en librairies - kiosques militantEs un numéro « INCENDO genres & classes ». cet ouvrage pourrait paraitre chouette ou intéressant, mais semble cacher son jeu.

    pour se faire un avis, voir la version gratuite :
    http://incendo.noblogs.org/post/2012/11/02/lire-tous-les-articles-en-ligne/

    mais en bref, sous couvert d’une « synthèse »
    on pourrait plutôt dire un SPECIAL COMMUNISATION tant les
    questions de « genres » sont utilisées au seul but de
    magnifier les idées douteuses des communisateurEs
    (feu TC maintenant SIC, INCENDO et autres) :

    en bref, selon INCENDO la fin du capitalisme
    - selon eux exclusivement via LEUR vision, très soixante-huitarde-
    sera la fin de toutes les oppressions,
    y compris misogynes, racistes, homophobes...

    toutes les autres formes de lutte ou pensée (voir au lexique,
    la critique de l’anarchie à travers son sexisme présumé systématique)
    sont disqualifiées, et tout ce qui n’est pas « communisé »
    est bafoué, voire insulté (comme à de nombreuses reprises les
    « bourgeoises », les « pro-féministes », bref les autres).

    en dépit de précautions de forme, le discours de ce livre
    paraît franchement laid, méchant et sectaire.

    il est en ligne sur leur site depuis peu
    http://incendo.noblogs.org/post/2012/11/02/lire-tous-les-articles-en-ligne/

    quelques commentaire à chaud.

    pour se faire une idée, le passage sur "la déconstruction" (repris plus
    bas) est typique du reste, selon lequel s’engager dans l’auto-analyse tue
    systématiquement toute volonté de "vraie" lutte ( = anti-capitaliste =
    exclusivement "communisatrice", selon incendo).

    le glossaire vaut son pesant de (mauvaises) cacahuètes, notamment sur le
    "pro-féminisme" qui est pris tout dans le même sac, avec un "Bref,
    l’essentialisme est, avec le pro-féminisme, le pire produit du sexisme" ou
    la "Définition pro-féministe : homme [...selon une Définition féministe
    serait une ] excroissance cancéreuse du féminisme, homme qui a mieux
    compris le sexisme que les féministes, et qui a surtout bien compris que,
    pour se taper des féministes, il valait mieux s’écraser un peu (en
    société)" ou en "Note entomologique : le pro-féministe peut aller jusqu’à
    une vénération/exaltation du féminin qui confère à l’essentialisme (ou du
    moins à la connerie).. " (brillant et n’aidant pas je crois à la divine
    "convergence des luttes" si chère aux communisateurEs).

    grosso modo, dans tout le (gros) livre, l’argument des "genres" sert de
    façade publicitaire pour vendre la "communisation" qui résolverait tous
    les problèmes.

    on retrouve tous les vieux arguments injustement critiques à l’égard des
    femmes (ce "spécial genre" est par ailleurs très hétéro-normé et binaire H
    vs F) matraqués depuis les années 1960 par les "purs communistes gaulois"
    dont Alzon et sa (tristement célèbre et vertement critiqué par delphy)
    "femme boniche femme potiche" qui est d’ailleurs cité en tête de la
    bibliographie très sélective (1/4 gender sudies, 1/2 communisme et 1/4
    communisation).

    Note 1 : la déconstruction

    La « déconstruction » est une idée (et une pratique) que l’on rencontre
    actuellement dans une partie du mouvement féministe 35. Elle prend
    comme point de départ l’idée que les genres sont des constructions
    sociales et que « le privé est politique ». Il s’agit, à partir d’une
    prise de conscience individuelle (ou en petits groupes), de modifier ses
    comportements pour corriger ses constructions sexistes et, à terme, faire
    disparaître le sexisme.

    De là, le personnel prend une importance surdimensionnée par rapport au
    structurel, parfois jusqu’à devenir le seul terrain d’action. « A cause de
    l’importance démesurée accordée à l’expérience subjective, […] la
    politique de la subjectivité devint une “ intériorité ”, c’est-à-dire un
    changement personnel sans changement de la société36. »

    Avec l’argument « le privé est politique », on reconnaît que la sphère
    privée est organisée socialement, qu’elle n’est pas en dehors de la
    société, et que nos rapports personnels en font partie. Le privé est donc,
    lui aussi, un lieu de contradictions, de conflits, voire de luttes. Les
    grèves et mouvements sociaux, dans la sphère publique, où les femmes sont
    impliquées, ont nécessairement un impact sur la sphère privée (le foyer,
    la famille : « Qui c’est qui va me faire cuire mon steack ? » « Chérie, où
    est-ce que tu ranges les draps ? ») En l’absence de tels mouvements,
    l’activité des militantes se replie sur la sphère privée, et s’y cantonne.
    Un glissement s’opère : « Le politique, c’est le privé ».

    La déconstruction consiste en une remise en cause individuelle et
    personnelle des genres, vus comme des identités figées, comme un vêtement
    qu’il suffirait de choisir d’enlever. Or si les genres sont une
    construction sociale, il n’est pas possible de s’extraire des rapports
    sociaux dont ils sont la manifestation. On ne peut pas choisir de ne plus
    être un homme ni une femme, car dans cette société il n’existe que deux
    cases. A la sécu, on sera toujours soit 1, soit 2.

    Autrement dit, il y a une incohérence entre la reconnaissance de
    structures et rapports sociaux et la volonté de s’en affranchir par une
    action individuelle. Pendant qu’on fait des efforts pour se déconstruire,
    cette construction sociale continue d’agir sur des milliards de personnes,
    y compris sur soi 37.

    La déconstruction pose le problème du choix dans cette société : peut-on
    choisir de se déconstruire ? qui peut le faire ? Une femme célibataire
    sans enfants aura peut-être plus d’énergie à consacrer à sa déconstruction
    qu’une mère de trois enfants, comme une bourgeoise aura plus le loisir de
    le faire qu’une smicarde, etc. Malgré un objectif subversif affiché (la
    disparition des genres), la déconstruction, comme toute alternative, se
    réduit à la recherche du bonheur individuel dans la société capitaliste.

    Dans la pratique, cette prise de conscience bien sympathique entraîne une
    dérive élitiste, un dénigrement et une culpabilisation de ceux qui ne se
    déconstruisent pas ; donc une nouvelle norme, par définition sclérosante
    et contraignante. Nous nous retrouvons face à une nouvelle idéologie38.

    Il ne s’agit pas ici de décourager toute tentative personnelle de remise
    en question de ses comportements. Après tout, c’est ici et maintenant
    qu’on vit, et il est bien normal d’essayer d’en chier le moins possible et
    d’essayer de ne pas se comporter comme un salopard… Tout comme il est
    logique que les opprimées refusent leur condition, individuellement ou
    collectivement. Ce sont des pratiques de survie. Il est important de
    remettre en question nos constructions sociales, mais il ne faudrait pas
    perdre de vue que toute tentative de s’en dégager totalement est vaine
    tant que cette société perdurera. L’abolition des genres et de la
    domination masculine ne seront jamais obtenues par la
    déconstruction.

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