Contrairement aux mouvements anti-CIP et anti-CPE, ce ne sont pas ceux qui sont les plus directement concernés par la loi El Khomri qui sont à l’origine du mouvement car le projet de loi ne s’adresse pas spécifiquement à la jeunesse. Toutefois, lycéens et étudiants sont les plus libres de leur mouvement et ont le moins de contrainte sociale et hiérarchique. Mais cet avantage comprend son inconvénient qui est que le mouvement des scolarisés est ultra minoritaire au sein même de la jeunesse et il ne peut donc s’appuyer sur les bases arrières que constitueraient lycées et universités. Il est obligé de tenir la rue d’où une convergence évidente avec l’initiative « Nuit debout » qui se situe pourtant dans une toute autre perspective, celle de tenir les places dans une sorte de happening de la parole libérée.
Une convergence s’est progressivement aussi établie avec la CGT dans la mesure où celle-ci, par rapport à une CFDT qui négocie et participe de la réforme, prend de plus en plus la place d’une force d’opposition dépassant le clivage parti/syndicat ou plutôt inversant la formule léniniste de la courroie de transmission. Elle prend de fait la place des partis et groupuscules de l’extrême gauche relégués en fond de manifs et très discrets dans les AG. Mais cette convergence est très fragile car ce qui s’exprime dans ces trois courants n’est pas de même niveau.
Lycéens et étudiants, jeunes prolétaires maintenant en tête des manifestations expriment une révolte générale à fleur de peau et un refus spontané du capital. Ils sont dans la négation de l’ordre établi, dans une perspective de confrontation avec l’État et sa police.
Les participants à Nuit debout sont eux dans l’affirmation d’une démocratie ici et maintenant en ayant l’impression de pouvoir faire sécession d’avec le pouvoir institué. Ils affirment la possibilité d’une constituante sortant des assemblées des places.
Enfin, la CGT de Martinez est en passe d’être débordée par ses fédérations les plus dures qui cherchent (une dernière fois ?) à affirmer une identité ouvrière sur la base de leurs propres revendications. Il n’y a en effet pas vraiment convergence entre la grève dans ces secteurs où il suffit d’être déterminé et même peu nombreux pour bloquer l’ensemble, et le reste du mouvement.
Le paradoxe du mouvement est d’être un mouvement contre un projet de loi-travail qui a déserté les lieux de travail pour porter la contestation à un niveau plus général. Mais ce niveau n’est-il justement pas trop général vu le rapport de forces. Pour ne prendre qu’un exemple, les lycéens et étudiants n’ont-ils rien à dire sur l’école et l’éducation, les rapports maître/élève, l’organisation des savoirs.
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