Ces réformes vont durcir l’accès au droit d’asile et la possibilité d’obtenir une régularisation, elles vont encore augmenter les moyens législatifs et coercitifs de l’État pour accélérer les refus et intensifier les expulsions - quand le gouvernement préfère parler par euphémisme, « d’éloignement ».
Ce que change la loi concernant l’asile :
=> Création d’une « nouvelle procédure accélérée » pour les demandeurs d’asile, qui remplace la « procédure prioritaire » qui existait jusqu’à présent.
La nouvelle procédure accélérée prévoit désormais que, en cas de refus de l’asile devant « l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides » (OFPRA), le recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) est suspensif de l’expulsion – le demandeur d’asile a ainsi le droit au maintien sur le territoire tant que la CNDA n’a pas statué. Mais... le délai de préparation de l’appel est expéditif (moins de 5 semaines désormais, contre plusieurs mois jusqu’à maintenant, ce qui pouvait davantage permettre de se préparer, de réunir preuves et documents) et sera jugé par un juge unique (contre 3 jusqu’à maintenant).
La nouvelle loi prévoit par ailleurs une dizaine de situations (notamment le fait de provenir d’un pays considéré par l’OFPRA comme « sûr », le fait de s’être adressé tardivement à la préfecture ou d’avoir dissimulé son itinéraire avant d’arriver en France) dans lesquelles les demandeurs passeront d’office par cette procédure expéditive.
En plus de ces situations désormais prévues dans la loi, le pouvoir de contraindre une personne de passer par cette nouvelle procédure accélérée, défavorable aux demandeurs, n’appartiendra plus au seul préfet, puisque l’OFPRA aura également ce pouvoir. Ainsi, de manière arbitraire, l’administration pourra considérer, de prime abord et sans entretien, que la demande d’asile présentée par telle personne, ne semble pas sérieuse et la traiter selon cette procédure.
Cette procédure accélérée est d’ailleurs destinée selon le ministère à concerner davantage de demandeurs que l’ancienne procédure prioritaire. La loi crée également des cas d’irrecevabilités ou de clôture de la demande d’asile.
=> Création de « centres d’hébergement directifs » pour les demandeurs d’asile, qui sont concrètement conçus, selon la présentation du ministère de l’intérieur comme un « dispositif d’hébergement contraignant » ayant pour but « d’affecter le demandeur d’asile dans une autre région que celle où il se présente ». Le but est de répartir les demandeurs d’asile, pour « désengorger » les administrations et « empêcher la concentration » c’est-à-dire pour éparpiller sur le territoire et ainsi limiter la visibilité de ces indésirables.
Ces « centres d’hébergement directifs » sont en fait une assignation à résidence à peine déguisée puisque « les demandeurs d’asile qui renoncent à un hébergement ou abandonnent le lieu qui leur a été attribué ne percevront plus d’allocation. »
Pour que les migrants « acceptent » ces centres contraignants, l’État joue du système de la carotte (un hébergement, dont les conditions de salubrité ne sont pas précisées ; une allocation (équivalente à 11,45 euros par jour -soit environ 300 euros par mois pour une personne seule) et du bâton (la perte de ces « avantages matériels » en cas de refus). On le voit bien, le cadeau a un paquet bizarre...
En effet, en souhaitant confiner dans ces centres les demandeurs d’asile, l’État entend contrôler les migrants, en empêchant l’intégration et la création de contacts, de liens de solidarité ici sur le territoire (les demandeurs d’asile sont par exemple déjà interdits d’occuper un travail), pour pouvoir, une fois tous les recours juridiques épuisés (dans des délais désormais accélérés) rapidement exécuter l’expulsion, et que celle-ci soit le moins visible possible.
En application de directives européennes, les demandeurs d’asile pourront désormais être assistés d’un avocat ou d’un représentant d’une association habilitée devant l’OFPRA.
Un objectif principal affiché par le gouvernement avec cette réforme est la réduction des délais.
Ainsi, les objectifs affichés de durée de traitement d’une demande, du dépôt jusqu’à épuisement des recours, sont de 3 mois pour une demande d’asile en procédure accélérée et de 9 mois en procédure normale (contre 2 ans aujourd’hui).
Le délai de jugement d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) passe également de 5 mois à 1 mois ! Pour pouvoir respecter ces délais, le gouvernement annonce que des recrutements vont être opérés.
La logique est toujours la même, accélérer partout les délais pour aboutir le plus rapidement possible à l’épuisement des recours juridiques, afin de pouvoir procéder à l’expulsion !
Une autre réforme concernant les « droits des étrangers » est également actuellement en discussion au parlement, en procédure accélérée.
Cette réforme vise 3 objectifs selon le gouvernement :
« améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour ». Cela doit passer par la délivrance d’un titre de séjour pluriannuel au bout d’un an de présence sur le territoire (pour éviter les passages répétés en préfecture). Cela a en fait pour objectif de libérer des moyens pour les affecter à de nouveaux contrôles. La délivrance de ce titre pluriannuel est en fait également associée à des exigences plus importantes en matière de maîtrise de la langue française notamment.
« renforcer l’attractivité de la France en facilitant la mobilité des talents internationaux ». Selon la logique impérialiste « d’immigration choisie », en fonction des besoins en main d’œuvre ou compétences spécifiques du patronat ou de l’État, « afin de renforcer la position de la France dans l’accueil des mobilités internationales de l’excellence, de la création et de la connaissance », le gouvernement crée un passeport « talents » titre de séjour valable jusqu’à quatre ans pour l’étranger et sa famille, destiné à être un « titre unique ouvert aux investisseurs, aux chercheurs, aux artistes et aux salariés qualifiés »...
« lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière ».
Ainsi, selon le communiqué du gouvernement, « l’assignation à résidence va devenir la mesure de droit commun en matière de privation de liberté des étrangers ». En fait, Cazeneuve ayant annoncé mi-juin que "les places de rétention dont dispose l’État devaient être utilisées à plein", le gouvernement de la sorte anticipe et multiplie en fait le nombre d’étrangers qu’il peut maintenir sous la contrainte en attendant de les expulser !
Et alors que l’enfermement en Centre de Rétention Administrative (CRA) ne peut légalement pas dépasser 45 jours, l’assignation à résidence (obligation de vivre au domicile connu de la préfecture, obligation de pointage tous les jours au commissariat et interdiction de circuler hors d’un territoire délimité) est de 45 jours, renouvelable. Elle peut donc aller jusqu’à 3 mois, légalement.
Les assignations à résidence sont d’ailleurs déjà censées être privilégiées pour les familles étrangères avec enfants mineurs (l’enfermement, avant expulsion, d’enfants étrangers, suscitant un peu trop d’indignation)... Selon un rapport de 5 associations intervenant en CRA, en2014 en France, et malgré la condamnation de la France par la cour Européenne des droits de l’homme, 5692enfants mineurs ont tout de même été enfermés en Centre ou Locaux de Rétention Administrative (sur l’île de Mayotte, colonie française de l’archipel des Comores, l’État français expulse également en toute illégalité, des enfants mineurs, seuls...)
Enfin, le projet de loi crée un « droit de communication » qui donne au préfet le pouvoir de demander « sans que s’y oppose le secret professionnel » des informations sur les personnes demandant ou possédant un titre de séjour auprès de toutes les institutions suivantes :
Les établissements scolaires et d’enseignement supérieur.
Les établissements de santé.
Les banques et organismes financiers.
Les fournisseurs d’énergie et les services de communications électroniques.
Pôle emploi.
Les services d’état civil
La Sécurité sociale.
Les tribunaux de commerce
Ainsi, profs, banquiers, secrétaires, médecins, etc., sont appelés à participer !
Ce n’est ni plus, ni moins qu’une obligation de collaboration à la politique raciste de contrôle, de traque et d’expulsion des étrangers pour tou-te-s les salarié-e-s des entreprises et agents de l’État des services concernés.
Les salarié-e-s et les agent-e-s doivent refuser de communiquer ces documents, leurs syndicats doivent les couvrir, dénoncer cette mesure et appeler largement à refuser de communiquer les documents demandés dans ce cadre par les préfectures.
L’article 8 doit en outre autoriser le préfet à contrôler « à tout moment » que, l’étranger qui dispose d’un titre de séjour « continue de satisfaire aux conditions fixées pour la délivrance de cette carte ». S’il ne peut le justifier, ou s’il ne se rend pas à la convocation, sa carte de séjour peut lui être retirée immédiatement.
En clair, c’est en sursis permanent que vont se retrouver TOUS ET TOUTES LES ETRANGERS, y compris les étrangers en situation régulière.
Par ailleurs, selon un amendement approuvé lors de l’examen en première lecture du projet de loi, les déboutés du droit d’asile, les étrangers ne pouvant justifier d’une entrée régulière en France, les étrangers s’étant maintenus au-delà de la durée de validité de leur visa, ou n’ayant pas demandé de renouvellement de titre de séjour n’auraient désormais plus que 15 jours pour contester devant le tribunal administratif leur décision « d’éloignement »(contre 30 jours pour les autres expulsions), et le tribunal administratif n’aura que six semaines pour statuer (au lieu de trois mois).
Pour Cazeneuve : « Nous favoriserons ainsi l’effectivité des mesures d’éloignement »... !
Qu’on ait ou non, la bonne nationalité, qu’on ait ou non le bon bout de papier, créer la solidarité, s’unir, échanger, se rencontrer, s’organiser, est une urgente nécessité !
Car la précarisation et la répression des étranger-e-s, n’est qu’un aspect de la politique. Tous les salarié-e-s, travailleur-e-s du public et du privé, chômeurs, avec ou sans papiers, voyons nos conditions de vie et de travail attaquées et dégradées de jour en jour, par gouvernement et patronat. Le patronat, en profitant de la main d’œuvre sans papiers, en grande précarité, surexploitée, en imposant des conditions de travail des plus pénibles et mal payées – car isolés, sans la possibilité effective de refuser s’en sert pour contraindre tout le monde à davantage de misère et de précarité.
Et l’État, en fabriquant sans cesse davantage d’irrégulier-e-s, en traquant les étrangers, voudrait continuer de confiner les sans-papiers au silence et à l’invisibilité.
Ils nous voudraient divisés pour mieux continuer de régner et de nous exploiter. Français-e-sou immigré-e-s, car notre destin est forcément lié, nous n’avons d’autre choix que de construire notre unité et ensemble nous organiser.
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