Il a seize ans et travaille comme fondeur à l’usine de Goulaï-Polé quand la révolution manquée de 1905 éveille son enthousiasme révolutionnaire.
Il prend contact avec diverses organisations politiques, entre au groupe anarchiste-communiste de Goulaï-Polé, il y déploiera une grande activité.
Arrêté, emprisonné, il est torturé. Pour avoir fomenté un attentat contre un poste de police, il est condamné à mort en 1910. Gracié, sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité.
Il passera du temps au cachot. Lors de son emprisonnement à Moscou, il étudie, aidé par Piotr Archinov (1887-1936), un leader des anarchistes moscovites.
Libéré le 1er mars 1917, Makhno rentre à Goulaï-Polé, il reçoit un accueil triomphal du groupe anarchiste. Makhno et ses camarades se jettent dans la construction d’un soviet. À la fin août 1917, ils procèdent au désarmement de toute la bourgeoisie et à l’abolition de ses droits sur le biens du peuple
Les terres et le bétail sont enlevés aux riches koulaks et redistribués aux paysans pauvres. Il se crée des communes, à participation uniquement volontaire, d’environ cent à trois cents personnes. Les quelques usines de la ville sont autogérées, des comités de gestion sont chargés de la distribution et de la répartition de la production.
Soucieux de consolider leur pouvoir sur la Russie, Lénine et Trotsky concluent, le 3 mars 1918, la paix séparée de Brest-Litovsk avec le gouvernement impérial allemand. Ouvrant en grand les portes de l’Ukraine aux troupes austro-allemandes.
Le gouvernement autocrate de l’hetman Skoropadsky est installé par l’envahisseur.
La contre-révolution anéantit les conquêtes d’autonomie des paysans et des ouvriers.
La lutte frontale devient vaine, les partisans décident d’organiser clandestinement les révolutionnaires, de préparer le terrain pour l’insurrection paysanne d’après les moissons. Sa tête est mise à prix, Makhno s’enfuit...
En juin 1918, j’ai rencontré Lenine au Kremlin [. . . ]. Il est difficile de rencontrer chez un maître politicien autant de fourberie et d’hypocrisie que celles que Lénine manifesta en cette circonstance.
La lutte contre l’État (et autres écrits), Textes de Makhno (1925-1932), traduits par Alexandre Skirda.
Le pouvoir bolchevik avait déjà organisé à cette époque la répression contre l’anarchisme, dans l’intention bien délibérée de le discréditer dans le pays. Le bolchevisme de Lénine avait mis une croix sur toute organisation révolutionnaire libre [...].
Début juillet 1918, Makhno retourne en Ukraine organiser l’insurrection sous le drapeau noir. Les partisans portent de rudes coups à l’envahisseur austro-allemand et aux alliés de la Rada centrale Ukrainienne. Ils attaquent par surprise, disparaissent grâce à la complicité des paysans qui cachent leurs chevaux.
La réputation de Makhno grandit, de nombreux groupes le rejoignent. Makhno et les officiers de la « Makhnovchina » sont élus et révocables par leurs hommes. L’esprit libertaire règne...
En novembre 1918, les Austro-Allemands évacuent l’Ukraine. Makhno tient en respect les armées blanches tsaristes.
Des congrès régionaux de paysans et d’insurgés coordonnent l’activité économique. Les combattant sont sous le contrôle de la population. Les paysans ne se privent pas de faire des remarques, y compris sur Makhno. Celui-ci soutien les aspirations des paysans au lieu de leur imposer une doctrine.
Makhno prend de l’importance en Ukraine. Le régime bolchévik décide de briser le projet de déclaration de la makhnovchina.
Nous considérons que, dans un avenir proche, toutes les classes travailleuses parviendront à la même position, et qu’elles procéderont elles-mêmes à l’organisation de leur vie professionnelle, économique, sociale et culturelle, à partir de principes libres, sans la tutelle, la pression et la dictature de quelque personnalité, parti ou pouvoir que ce soit.
Les bolchéviks déclenchent les hostilités en arrêtant les délégués des soviets.
Trotsky déclare qu’il vaut mieux livrer toute l’Ukraine à Dénikine (général tsariste) que de donner la possibilité à la Makhnovstchina de se développer
!
La tête de Makhno est mise à prix de nouveau. l’Armée rouge et la guérilla makhnoviste s’affrontent.
Contre Makhno, Trotsky préfère la réactions. Un général tsariste, Wrangel, réorganise les armées blanches,envahit l’Ukraine, les bolchéviks sont battus.
À Moscou, Lénine prépare l’évacuation.
Les Bolchéviks proposent une alliance à Makhno. Les Makhnovistes emportent une victoire contre Wrangel, ce qui permet à l’Armée rouge de le vaincre.
Immédiatement, Trotsky lance une offensive contre Makhno. Trahis, les principaux officiers sont capturés et fusillés. La population est terrorisée.
Makhno tiendra jusqu’en 1921. Couvert de blessures, ses derniers hommes l’évacueront sur un brancard, il se réfugie à Paris.
Makhno continue de vivre, ouvrier chez Renault, rongé par la maladie et le chagrin.
Les services secrets soviétiques l’accusent d’actes antisémites et de pogroms.
Makhno leur répond :
La réalité peut-elle correspondre en quoi que ce soit à ces mensonges ? Tout les travailleurs juifs d’Ukraine, ainsi que tous les autres travailleurs ukrainiens savent bien que le mouvement que j’ai guidé durant des années était un mouvement authentique de travailleurs révolutionnaires. Le mouvement n’a nullement cherché à séparer, sur des bases raciales, l’organisation pratique des travailleurs trompés, exploités et opprimés. Bien au contraire, il a voulu les unir en une toute puissance révolutionnaire, capable d’agir contre leur oppresseurs, en particulier contre les dénikiens profondément pénétrés d’antisémitisme. Le mouvement ne s’est jamais occupé d’accomplir des pogroms contre les Juifs et ne les a jamais encouragés. En outre, il y a de nombreux travailleurs juifs au sein de l’avant garde du mouvement révolutionnaire d’Ukraine (makhnoviste).
Par exemple, le régiment d’infanterie de Gouliaï-Polié comprenait une compagnie exclusivement composée de deux cents travailleurs juifs. Il y a aussi eu une batterie de quatre pièces d’artillerie dont les servants et l’unité de protection, commandant compris étaient tous juifs. Il y a eu également de nombreux travailleurs juifs dans le mouvement makhnoviste qui, pour des raisons personnelles, préférèrent se fondre dans les unités combattantes révolutionnaires mixtes. Ce furent tous des combattants libres, engagés volontaires qui ont lutté honnêtement pour l’oeuvre commune des travailleurs. Ces combattants anonymes possédaient leurs représentants au sein des organes économique de ravitaillement de toute l’armée. Tout cela peut être vérifié dans la région de Gouliaï-Polié parmi les colonies et les villages juifs.
Tous ces travailleurs juifs insurgés se sont trouvés sous mon commandement durant une longue période, non pas quelques jours ou mois, mais durant des années entières. Ce sont tous des témoins de la façon dont moi, l’État-major et l’armée entière, nous nous sommes comportés à l’égard de l’antisémitisme et des pogroms qu’il inspirait. Toute tentatives de pogroms ou de pillage fut, chez nous étouffée dans l’oeuf. Ceux qui se rendirent coupables de tels actes furent toujours fusillés sur les lieux de leurs forfaits.
Makhno est mort en 1 934, 500 personnes ont assisté à son incinération le 28 juillet au Père-Lachaise, ses restes sont joints à ceux des communards.
Quelques liens :
Défendre la révolution : La Makhnovtchina sur Partage Noir
Éphéméride anarchiste
Nestor Makhno - Textes (1925-1932)
Nestor Makhno et l’Armée insurrectionnelle d’Ukraine
Voline - La révolution inconnue
A lire et regarder :
Ettore Cinnella, Makhno et la révolution ukrainienne (1917-1921) , suivi de Quarante jours à Gouliaï-Polié, de Galina A. Kouzmenko, éd. de l’Atelier de Création Libertaire, 2003
Ida Mett, Souvenirs sur Nestor Makhno, éditions Allia, 1983.
Alexandre Skirda, Nestor Makhno, Le Cosaque libertaire, Les éditions de Paris, 1999.
Nestor Makhno, Mémoires et écrits, 1917-1932, traduction et présentation par Alexandre Skirda, Paris, éditions Ivrea, 2010.
Alexandre Skirda, Les Anarchistes russes, les soviets et la révolution de 1917, Les éditions de Paris, 2000.
Voline, La Révolution inconnue, Éditions Entremonde, Lausanne, 2009 (trois tomes)
Voir le documentaire d’Hélène Chatelain, publié initialement sur Rebellyon.TV
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