Israël est une société toxique. Des années d’impunité et de colonisation ont fascisé la population. Il y a un appui aux colons qui multiplient les pogroms en Cisjordanie avec la complicité de l’armée. Il y a vis-à-vis des « Arabes » un sentiment majoritaire : « on ne veut pas vivre avec ces gens-là ». Les dirigeants israéliens ont théorisé l’idée que les femmes et les enfants sont aussi des cibles. La société de Gaza ne doit pas se reproduire.
Une autre raison qui explique le génocide en cours, c’est que le 7 octobre a brisé un mythe israélien : celui de son invulnérabilité. Pour la première fois, la société coloniale israélienne a payé un prix pour les souffrances infligées à la Palestine. La férocité de l’armée israélienne à Gaza, c’est pour noyer dans le sang cet affront. Le mythe de l’identification d’Israël à la sécurité des Juifs s’est écroulé. Les Israéliens ne seront jamais en sécurité tant qu’Israël détruira la Palestine.
Nétanyahou et les assassins qui l’entourent ont annoncé de grands projets en envahissant Gaza.
D’abord « éradiquer » le Hamas. Phrase purement propagandiste. Le Hamas, ce n’est pas une armée. Les tunnels existent mais le réseau dont parle l’armée israélienne est un fantasme. La résistance, pacifique ou armée, fait partie de la population palestinienne. Dans toutes les familles, il y a des résistants, souvent de partis différents. La férocité incroyable de l’agression israélienne et le fait que des familles entières ont été sciemment exterminées ont soudé la population palestinienne. Il n’existe aucun autre choix que la résistance. Chaque meurtre gratuit crée de nouveaux résistants.
Le projet sioniste a toujours été le « Grand Israël » ethniquement pur. Mais pour réaliser une nouvelle Nakba, il faut pouvoir envoyer les Palestiniens quelque part. Ce projet meurtrier est mal parti. Aucun pays, même l’Égypte, n’acceptera de participer à une nouvelle déportation.
Les images des atrocités perpétrées à Gaza, malgré la complicité de nombre de médias, ont détruit très largement l’image d’Israël.
Le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) reprend de la vigueur. Il a obtenu un succès avec la décision de Puma de cesser de parrainer l’équipe israélienne de football. Carrefour, qui a ouvert des magasins dans les colonies israéliennes et qui a envoyé des colis aux soldats israéliens, est l’objet d’une campagne qui va sûrement obliger cette multinationale à changer de politique. Les pays occidentaux qui se disent démocratiques et respectueux du droit face à des États qui le piétinent (Russie, Iran, Syrie, Chine …) se sont déconsidérés en niant le génocide, en armant et en protégeant Israël. La plainte de l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide a un écho énorme et suscite beaucoup d’espoir en Palestine. Même si la justice internationale n’a pas de pouvoir, cette plainte, venant d’un pays du Sud auréolé par sa victoire contre l’apartheid, écorne sérieusement la suprématie de l’Occident.
Un dirigeant palestinien m’a dit un jour :
« les Israéliens ont peur de ne plus avoir peur ». Cette peur entretenue, c’est le ciment de la société israélienne. Certes, il y a consensus en Israël sur la question palestinienne. Mais les affrontements (laïques contre religieux, séfarades et Juifs orientaux contre ashkénazes, Israéliens européanisés contre colons, Russes contre tous les autres …) sont de plus en plus évidents. L’extrême droite est certes hégémonique en Israël mais elle est très profondément divisée. L’après guerre en Israël va donner lieu à de rudes affrontements.
D’autant plus que Biden s’est tiré une balle dans le pied en répondant à ce point à tous les desiderata de Nétanyahou. Cette guerre a déjà coûté plus de 50 milliards de dollars. Qui va payer ? Comment une société aussi divisée qu’Israël va affronter la crise à venir ?
Une des forces d’Israël a toujours été l’instrumentalisation de l’antisémitisme.
Cela a bien marché après le 7 octobre quand les manifestations ont été interdites en France. On a même eu un préfet déclarant : « soutenir la cause palestinienne, c’est une atteinte à la dignité humaine ». Cette campagne qui distillait régulièrement que les Palestiniens étaient antisémites et que le 7 octobre était un « pogrom » est en échec. En Israël même, des centaines de personnes ont signé un texte de soutien à la plainte de l’Afrique du Sud. 50 chercheurs travaillant à Yad Vashem (le mémorial de la Shoah à Jérusalem) ont signé une lettre enjoignant au directeur du mémorial de dénoncer le génocide en cours. Aux États-Unis où vivent 40% des Juifs du monde entier, des organisations juives ont occupé la statue de la liberté et la gare centrale de New-York aux cris de « Arrêtez le génocide à Gaza ».
Bref, malgré les souffrances terribles subies à Gaza, on peut toujours espérer.
Pierre Stambul le 16 janvier 2024
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