Charlie Hebdo : choisir l’unité des peuples pour des libertés et des démocraties réelles

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Le 7 janvier j’ai regardé le 20H sur FR2, et, outre la peine, la révolte et le dégoût naturels face à ces assassinats immondes, ainsi que la compassion pour les victimes et leurs proches, j’ai ressenti aussi une bonne dose d’énervement face aux discours médiatico-politiques répétitifs.
L’émotion légitime ne doit pas nous empêcher d’avoir du recul critique sur l’événement et ses suites.

1) Sur l’indignation sélective et temporaire

Il m’est à nouveau sauté au visage le fait que la plupart des gens s’indignent et se rassemblent (pour faire quoi et pour combien de temps ?) surtout quand des « personnalités » meurent dans des conditions inhabituelles, mais il y a en revanche très peu de mobilisations pour les SDF morts de froid encore récemment, ou sur les mal-logés, la relégation des pauvres (notamment d’origine immigrée) dans des banlieux-ghettos éloignées, les victimes de la police telles que Rémi, Bilal, Zyed, Bouna..., les Syriens et les autres qu’on laisse se noyer dans la mer au lieu de les accueillir massivement en Europe, la destruction des terres agricoles, et tout le reste...
On s’indigne momentanément pour certains faits scandaleux qui nous touchent (avec ou sans la béquille de la médiatisation émotionnelle), mais beaucoup plus rarement de manière permanente contre tout un système et tout un mode de vie, et encore plus rarement pour tenter vraiment de reconstruire autre chose ensemble....

Certes l’empathie se vit plus facilement avec les proches, c’est sans doute une donnée biologique inévitable, mais vu l’ampleur et la quotidienneté de ces horreurs il y a bien malgré tout un problème grave et ancien de démission totale, de laisser faire, d’indifférence, de volonté de ne pas être dérangé, de (se) consommer avant tout, de « après moi le déluge », de lâcheté et de peur, etc.
Nos Zélus nationaux en profiteront pour pondre de nouvelles lois répressives, et pour durcir encore les lois concernant l’immigration, et ainsi ils détruiront encore plus la liberté au nom d’une illusion temporaire de sécurité.

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Dessin « Je-suis-Charlie », où des puissants écrasent des peuples en lutte au nom de la liberté

2) sur le mantra partout répété de « l’unité nationale »

Les États, leurs frontières, et leurs habitudes de créer des nationalismes et des guerres (pour des avantages économiques ou géostratégiques), d’entretenir la peur des autres, le repli sur « sa » nation mythologique, la concurrence mondiale et mortifère, les classes sociales, le règne absolu de la propriété, le mythe sinistre de la croissance..., font partie du problème, pas de la solution.

Ce n’est donc pas du tout d’unité nationale dont nous avons besoin, mais d’une unité et d’un dialogue permanent entre tous les peuples, et surtout avec les plus pauvres et les exclus, par delà les États, les frontières, les cultures, par delà les gouvernements et les oligarchies médiatiques et économiques.

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Après les terroristes tueurs, voici le bal des grands hypocrites menteurs...!

3) sur le mantra partout répété de « la défense de la liberté d’expression »

Il est vraiment ridicule et scandaleux d’entendre tous ces Grands Zélus et Grands Médias poser en défenseurs de la liberté de la presse et d’expression !, alors qu’on sait que même ici la liberté d’expression est essentiellement formelle, c’est à dire qu’elle est réelle seulement pour les stars, les riches, les politicards en vue, les médias riches et conformistes.
En réalité, les médias de masse sont surtout détenus par de grands richards, ils dépendent de la pub et des subventions d’État, ils sont le plus souvent indigents, superficiels, et ils ne laissent quasiment jamais véritablement la parole aux plus pauvres, aux exclus, aux révoltés des banlieues, aux insoumis, à ceux qui sont très critiques sur le système actuel ou qui proposent des voies autres...!
Plus besoin de censures d’État, il suffit de laisser jouer la concurrence, les marchés, la pub, l’autocensure..., et le marché médiatique se verrouille tout seul.

Avez-vous déjà vu un SDF, un anarchiste, un.e habitant.e d’origine immigrée réellement critique venant d’un ghetto, un marxiste, un écologiste décroissant s’exprimer vraiment et largement au journal de 20H ou en première page d’un quotidien national ?!
Les Grands Zélus et les Grands Médias les méprisent et les ignorent, sauf s’ils peuvent les instrumentaliser.
Quels pauvres ou collectif de révoltés auraient les moyens financiers de publier un journal national ?!

La liberté d’expression réelle (accessible à tous tant du point de vue « émission » que « réception »), surtout pour les plus exclus et les plus critiques, n’existe pas en france, et l’État, la TV, les médias de masse en sont les fossoyeurs.

La grande presse réclame à grands cris la liberté de la presse, mais c’est pour se la garder jalousement pour elle cette liberté, pour son business, pour ses annonceurs et ses chroniqueurs stars qu’on voit partout jusqu’à la nausée !
C’est une des raisons du ras le bol des pauvres, de leur sentiment de frustration.

Et ce n’est pas parce que quelques médias (tel Charlie Hebdo) qui se veulent plus critiques et plus indépendants, ou quelques individus, arrivent parfois à percer un petit peu que ce constat est faux. Ici, l’exception confirme la règle, et les quelques libertés éparses servent à cautionner l’ensemble : « voyez comme on est libre en france, Charlie Hebddo peut exister » (et tous les autres peuvent s’époumoner dans leur coin, comme je le fais ici : « cause toujours »).
Comme au temps des fous du Roi, les quelques médias dits anticonformistes servent de caution et de divertissement, et font baisser la pression par des petites piques qui ne dérangent pas l’ordre établi.

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Une foule fascinée par un leader ou un chroniqueur

4) sur le mantra partout répété de « notre démocratie est attaquée »

Là aussi c’est risible. Je ne vais pas ici tout développer, mais de plus en plus de gens savent à présent que la france n’est pas une démocratie réelle, mais plutôt une oligarchie, une démocrature, une pseudo-démocratie formelle qui enfume tout le monde à coup d’élections et de représentants.
Quotidiennement, cette démocrature française diffuse l’idéologie libérale (il n’y a pas d’alternative), elle est en collusion totale avec les multinationales et la finance, détruit des biens communs (sous le bon prétexte des emplois et de la sainte croissance, comme c’est le cas pour nombre de Grands Projets Inutiles Imposés, voir Center Parcs Roybon par exemple), criminalise les opposants (zadistes, syndicalistes, anarchistes, désobéissants divers...), expulse des étrangers abusivement, déroule des tapis rouges à des dictateurs et à des grands capitalistes criminels contre l’humanité...

Les puissants essaient de redorer l’image de « notre démocratie » par contraste avec les terroristes qui assassinent des dessinateurs, ils se payent ainsi un blanchiment à bon compte et tentent une pseudo union nationale pour faire oublier leurs mauvaises actions quotidiennes qui attisent les peurs, justifient exclusions et concurrence partout, libéralisent et privatisent tout ce qui peut encore l’être, bétonnent, bloquent toute prise en compte réelle des catastrophes climatiques à venir, etc.

Il n’y a pas de démocratie réelle en france, et ce sont toutes les couches de riches et de puissants (Zélus, médias de masse, et surtout grands capitalistes) qui empêcheront toujours son développement.
Bien entendu, les peuples sont aussi responsables de cet état de fait, par leur participation ou par leur inaction, par leurs soumissions et leurs peurs, par leur incapacité chronique et tragique à s’unir et à construire un monde bien meilleur.

La démocratie réelle, tout comme une véritable écologie politique, est incompatible avec le capitalisme (même vert ou « durable »), avec des représentants ayant presque tout pouvoir, avec des classes sociales ou avec des partis politiques quels qu’ils soient.


Le pire terrorisme, dans ses effets, sera toujours celui des États, de tous les systèmes non-démocratiques capitalistes qui pratiquent en grand et partout une forme de guerre permanente et meurtrière contre la Terre, les pauvres, les contestataires soucieux des biens communs et de démocratie réelle.

Ce terrorisme professionnel organisé, tant qu’il existera, générera toujours, d’une manière ou d’une autre, des « micro-terrorismes » amateurs tels que ce carnage à Charlie Hebdo.

Ce « micro-terrorisme » est toujours une bonne aubaine pour les gouvernements, car son côté spectaculaire (exacerbé par les médias) permet de faire oublier leur grand terrorisme quotidien institutionnalisé, de resserrer les rangs de leurs petits soldats par l’unité nationale d’une population largement bernée et apeurée.

Les micro-terrorismes, les assassinats politiques, sont aussi le reflet d’un monde « malade », ultra-violent, où la guerre de tous contre tous a été érigée partout en modèle vertueux à suivre par nos gouvernements et toute la clique des économistes et journalistes ultra-libéraux.

Je ne veux pas d’unité nationale avec ces puissants et ce système en place, je préfère une unité avec tous les peuples en lutte, avec toutes celles et ceux qui partout se révoltent et veulent construire un monde nettement plus vivable, où chaque personne compte, et où le collectif est d’abord là pour servir l’épanouissement libre de chacun.e.

Camille, 8 janvier 2015
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