Un pénitencier en technicolor

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Le 3 mai, 436 détenus ont été déménagés depuis la prison
Saint-Paul de Perrache, l’antique « Marmite du diable », vers l’enfer
ultra-moderne de Corbas. 900 flics, matons et gendarmes
ont été mobilisés dans le cadre de ce transfert sans précédent :
quatre rotations, pendant plus de dix heures, sous la surveillance
de gardiens cagoulés et armés ; ils avaient même sorti les hélicos.

Direction le 40 boulevard des nations :
un complexe de 11 hectares, avec un
mur d’enceinte et une double ceinture
grillagée de 6 mètres de haut, des barbelés
un peu partout, deux miradors de
18 mètres et des filins anti hélicos. Denis
Valède, l’architecte, précise : « la couleur
est très présente ; pour réduire les tensions
nous avons mis le plus de dignité
possible dans le cadre de vie » ; et ils ont
mis des ateliers, aussi. C’est important
de mettre les prisonniers au travail : ça
occupe jusqu’à 150 détenus, six heures par
jour. En plus ça coûte pas cher en salaire,
un taulard. De quoi aider à rembourser
le loyer que l’Etat doit payer pendant
trente ans au groupe Eiffage qui, après
l’avoir construit, a hérité de la gestion de
ce centre pénitentiaire. Au départ il était
prévu pour 690 détenu-es ; sa capacité a
été passée récemment à 930 places grâce
à l’installation de lits superposés.

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Une prison toute propre avec de la couleur,
une douche et un interphone dans les cellules,
pour « éviter les suicides ». Une taule
plus automatisée, plus sécurisée… qui
inquiète jusqu’au contrôleur des prisons,
c’est tout dire : « il n’y a plus de déverrouillage
manuel, tout est automatisé, tout
se fait par caméras. Moins de contact avec
les gardiens… condamner les personnes au
silence c’est les enterrer vivants ». Un avocat
du barreau de Lyon précise : « en centre ville
les détenus avaient leurs repères, la prison
était facile d’accès [pour les familles, pour
les parloirs sauvages aussi]. À Corbas la
première impression c’est une architecture
aseptisée et une prison loin de tout. On met
davantage de grilles et de portes, l’effet peut
être catastrophique. Bref à Corbas je dirais
qu’on est plus dans la répression que dans
la prévention ».

Un ancien détenu témoigne également en
ce sens : « j’ai vu deux fois l’arrivée dans un
établissement neuf. À l’euphorie du début
succède la triste réalité : les conditions de
sécurité sont davantage mises en avant, la
sur-population restreint l’accès aux activités
et génère de la frustration. On ne peut
plus aller boire le café dans la cellule d’un
pote. Alors on ne voit plus que le béton et
on regrette cette taule où ça puait mais où
l’humain était présent et le système D n’était
pas prohibé ». Système D, débrouille… Les
ruses si précieuses pour continuer à exister,
pour échapper un peu à l’enfermement,
continuer à lutter contre la taule et ses coups
de vices perpétuels.

Même avec de la couleur, même avec tout
ce vernis humaniste, il n’y a pas d’enfermement
à visage humain, pas plus que de
barbelés à visages humains, de caméras à
visages humains ou de matons à visages
humains.

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