Pratique illégale de la préfecture du Rhône dans l’enregistrement des demandes d’asile : extraits d’audience

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La préfecture du Rhône a pris l’habitude de formuler un arrété de reconduite à la frontière pour les demandeurs d’asile qui oublient de joindre une photo à leur dossier de demande d’asile. Une pratique qui a été jugée au tribunal administratif de Lyon ce lundi 16 janvier 2006.

Trois demandeurs d’asile (originaires de Tchétchénie, d’Azerbaïdjan et du Monténégro) n’ont pas vu leur première demande d’asile enregistrée par l’OFPRA ( Office français de protection des réfugiés et des apatrides) suite à l’absence d’une photographie dans leur dossier de demande d’asile. La préfecture du Rhône a pris l’habitude de formuler un arrété de reconduite à la frontière pour les personnes dans cette situation. Ceci constitue clairement une atteinte au principe de non refoulement d’une personne vers un État où elle risque des persécutions.

Le lundi 16 janvier à 15h00, au tribunal administatif de Lyon en audience pleinière, les avocats des requérants ont contesté les décisions de reconduite à la frontière, d’éloignement du territoire et ont demandé une autorisation provisoire de séjour et une condamnation de l’État.

Les avocats ont plaidé un par un, chacun abordant un point de droit précisément.

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Extraits des trois plaidoiries :

- le Tribunal Administratif est compétent pour apprécier la légalité du refus de la décision d’enregistrement de la demande d’asile.

Les personnes qui font un dossier de demande d’asile ne maîtrisent pas la langue française et encore moins les arcanes des procédures administratives.

Le refus opposé par l’OFPRA pour l’absence d’une photo et de deux photocopies, dans le dossier de demande d’asile des requérants, est irrégulier : le directeur de l’OFPRA n’ a pas respecté les obligations qui lui sont faites de fixer un délai pour produire les pièces manquantes.

- Il est nécessaire de prendre du recul et de rappeler des principes : après la seconde guerre mondiale, la cour internationale a décidé qu’un certain nombre de personnes ne pourrait pas rester sans droit ; ce sont les réfugiés qui ne peuvent plus demander la protection de leur État.
Cette décision a permis la création d’un texte fondateur qui protége les réfugiés et il a été créé un organisme à cet effet : le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies(Convention de Genève de 1951).
C’est la reconnaissance d’un droit fondamental qui affirme qu’il est impossible de renvoyer des réfugiés dans leur pays où ils risquent la mort.

Et pourtant, pour la première fois légalement, des dispositions mises en place vont permettre à la France d’ouvrir une brèche dans ce droit fondamental : la possibilité de renvoyer une personne sans prendre le soin d’examiner sa demande d’asile, pour des raisons d’ordre pratique, d’efficacité, de faire vite, au détriment de l’examen du besoin de protection de ces personnes.

Se pose la question de l’effectivité des droits que l’on proclame.

Conventions internationales, lois, décrets, circulaires se hiérarchisent : un texte en bas de chaine, l’arrêté préfectoral, à moins de valeur de principe qu’une convention internationale.

Oui ou non ? Une personne qui exprime le besoin d’une protection immédiate (parce qu’elle est persécutée dans son pays d’origine) voit-elle sa demande examinée, même si elle a oublié de joindre une photo à son dossier ?

- Si le préfet refuse de prendre la demande c’est un déni de la possibilité d’accès effectif à la protection auprés des autorités françaises.
La position du préfet est une atteinte à la substance même du droit d’asile : c’est une violation de l’obligation de non refoulement.
« Si vous validez les arrêtés de reconduite à la frontière du préfet, vous renvoyez une personne dans son pays, à la torture et peut-être au décès ».

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Le représentant de la préfecture affirme que « le filtrage est légal », que « la préfecture applique les directives européennes » et considère qu’il n y’a pas de difficulté exceptionnelle dans la constitution d’un dossier de demande d’asile.

Enfin, le commissaire du gouvernement est venu souhaiter la bonne et heureuse année à tout le monde puis il s’est épandu sur les programmes télé qu’il avait vu ce week-end et son dîner du jour !

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Comme les avocats l’ont rappelé, les réfugiés risquent la torture et le décès lorsque la préfecture du Rhône notifie des arrêtés de reconduite à la frontière à des personnes qui n’ont jamais vu leur demande d’asile examinée par l’OFPRA. Cela représente une brèche historique dans l’essence même du droit d’asile en france.

L’audience s’est terminée vers 17h00. Le tribunal rendra son délibéré dans le courant de la semaine.

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