Face au développement de la précarité de l’emploi et des conditions de vie le travail social ne doit pas perdre ses repères profonds de solidarité et devenir un outil d’encadrement et de surveillance des populations précaires.
Entamée bien avant « la crise » en France et l’ensemble des pays européens, l’organisation délibérée de la précarité de l’emploi a provoqué l’explosion du chômage et des emplois précaires, et par contagion la
précarisation de l’ensemble des conditions de vie : logement, santé, éducation, formation, culture, justice…
Parallèlement, les Services Publics et institutions en charge d’assurer la solidarité dans la Société ont vu leurs objectifs et leurs modes de fonctionnement profondément transformés :
Leur objectif n’est plus d’assurer à tous les citoyens l’exercice des mêmes droits fondamentaux. Il devient de produire, gérer, ou vendre des activités transformées en marchandises. Leur activité doit
être d’abord rentable. Et ceux qui y travaillent « productifs »
Leur mode de fonctionnement n’est plus en priorité d’accueillir les usagers auxquels ils s’adressent, de les écouter pour mieux les aider, faire aboutir leur demande. Il devient de faire rentrer les usagers dans
les cases prédéfinies par la hiérarchie de l’institution en fonction des objectifs politiques et de rentabilité de fonctionnement prédéfinis. Ainsi se développe dans tous les secteurs (emploi, logement, éducation,
aide sociale…) une tendance lourde à l’encadrement, au contrôle social des populations préalablement précarisées.
Ainsi par exemple du « Service Public de l’Emploi », ou de ce qu’il en reste : sa refonte en plusieurs étapes, l’instauration de « l’offre raisonnable d’emploi » visent à contraindre les demandeurs d’emploi à
« accepter » de fonctionner à l’intérieur d’une situation où l’emploi est de plus en plus rare et précarisé.
Et fusionner ANPE et UNEDIC dans « PÔLE EMPLOI » permet encore d’accentuer l’efficacité du système de contrôle et de sanctions.
Ainsi aussi de « l’insertion » : la dimension initiale sociale et humaine des dispositifs, par exemple du RMI, est détruite au profit de « l’insertion par l’économique » Et en l’absence de volonté politique de garantir des débouchés sur de véritables emplois pérennes avec revenu et protection sociale garantis, l’insertion se transforme progressivement :
en « business » où des associations, institutions et entreprises (utilisant très souvent du personnel…précaire !) se concurrencent pour l’obtention et la gestion de crédits soumis au bon vouloir des politiques
en outil de contrôle des populations concernées, contraintes pour l’essentiel à être dans l’insertion à perpétuité à l’intérieur de dispositifs périodiquement réajustés et « améliorés » pour être moins coûteux
et plus contraignants (instauration du RSA).
Ainsi aussi de « l’aide sociale » : elle subit le contre-coup direct de l’explosion des précarités, et de l’attaque de la Protection Sociale solidaire. Le travail social consiste de moins en moins à écouter, informer et accompagner les familles en cas de coup dur de la vie, et surtout pallier aux ruptures financières quand les droits aux allocations sont en retard, oubliés ou contestés ;il sert de plus en plus à distribuer des aides raréfiées suivant des grilles contraignantes préalablement entrées dans les ordinateurs, et qui servent aussi à alimenter des fichiers de comptabilité et de surveillance.
Ainsi enfin de la « prévention de la délinquance » que la récente loi SARKOZY a encadrée non pas réellement dans un but de prévention, mais bien plus dans celui du fichage et de la mise en cohérence des
moyens et dispositifs de surveillance.
Et on pourrait aussi analyser le développement des mêmes orientations de marchandisation de l’activité et de développement du contrôle social des populations précarisées dans les secteurs tels
que l’Education, la formation, le logement, la Justice…
Toutes les « réformes », les lois, les directives engagées ces dernières années répondent à ces impératifs de politique libérale :
entretenir et encadrer, y compris dans la période de « crise » actuelle où le chômage se développe, la précarité de l’emploi et des conditions de vie d’une part importante de la population pour pouvoir continuer à peser sur les capacités de résistance de l’ensemble des salariés, et tenter d’empêcher la remise en cause de l’ordre social actuel.
transformer toute activité sociale en production rentable échangeable sur un marché, en marchandise donc, au mépris du contenu de lien humain et de solidarité que ces activités peuvent
représenter.
encadrer les populations précarisées exclues du modèle de société mis en œuvre, en les stigmatisant comme populations inadaptées, irrécupérables, voire dangereuses (les chômeurs qualifiés de feignants par exemple).
NE LAISSONS PAS LA SITUATION SE DÉTÉRIORER DAVANTAGE REGROUPONS NOUS - REJOIGNEZ LE C.U.T.S. (Collectif Unitaire des Travailleurs Sociaux)
Face à cela, nous tous, travailleurs sociaux, éducateurs, formateurs, aides sociaux, employés de ce qui reste des Services Publics…, en relation avec les associations de lutte contre le chômage et la précarité, nous n’acceptons pas cette transformation en profondeur du sens et du contenu de notre travail :
Nous n’acceptons pas que les éducateurs de rue soient en obligation de dénoncer aux Maires les enfants en difficultés avec lesquels ils se doivent de sauvegarder une précieuse relation de confiance
Nous n’acceptons pas que les salariés de « Pôle Emploi », en l’absence d’emplois dignes de ce nom en nombre suffisant, soient contraints d’appliquer des règles « d’accompagnement au retour à l’emploi » conduisant obligatoirement à des sanctions aussi inefficaces qu’injustes
Nous n’acceptons pas de mettre en œuvre sans état d’âme la noria de « l’insertion par l’économique » consistant à enjoindre aux exclus de système actuel, qui les a rejetés, de le réintégrer
dans les mêmes conditions d’absence de garantie de revenu, d’emploi pérenne, de formation, de protection sociale, et à « exclure » au lieu de mettre tout en œuvre pour faire participer à la vie de la société tous les membres qui la composent.
Nous n’acceptons pas que toutes les professions mettant en œuvre le travail d’écoute et d’accompagnement social perde ses repères de solidarité et devienne un marché un jour labellisé par
les directives de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Nous n’acceptons pas la stigmatisation des populations précarisées, ni qu’elles servent de « prétexte » au renforcement d’une politique sécuritaire qui imprègne déjà profondément des aspects importants de notre vie.
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