Mercredi soir, les députés ont rejeté l’instauration des récépissés lors des contrôles d’identité, même à titre expérimental. Cette mesure devait permettre de lutter contre les contrôles au faciès grâce à la remise d’un document à la personne contrôlée indiquant : motif du contrôle, lieu, matricule du policier. Actuellement, aucune preuve écrite ne permet d’attester ces contrôles ce qui rend compliqué pour les personnes discriminées de se défendre. Depuis de nombreuses années pourtant, des collectifs comme Stop le contrôle au faciès se battent pour ce genre de mesures. Ce n’est pas avec ce gouvernement qu’ils obtiendront gain de cause.
Nous passerons sur le fait que l’encadrement des contrôles d’identité était une promesse du candidat Hollande en 2012, ce sont les raisons invoquées pour refuser cette mesure qui sont marquantes. Du déni des discriminations à un appel à un républicanisme outrancier, toutes les techniques sont bonnes pour éviter un débat de fond, et même un vote des amendements.
Une des rapporteures du projet de lois demande le retrait de ces amendements :
Car ils sont déjà satisfaits. La lutte contre les discriminations est importante : en l’état actuel du droit, on ne peut pas arrêter ni contrôler quelqu’un « au motif d’une quelconque discrimination », pour reprendre les termes de l’amendement de M. Amirshahi. La non-discrimination fait déjà partie de notre droit : je vous demande donc de retirer ces amendements.
Ce que confirme Bernard Cazeneuve :
Je rappelle, pour commencer, que les contrôles au faciès sont interdits.
Nous voilà rassuré.es. Puisque c’est écrit dans la loi, nul besoin de se demander si le droit est bien appliqué, mesdames et messieurs les députés veuillez retirer vos amendements.
Seulement, ce n’est pas la première fois que certains essaient de déposer des amendements à ce sujet. Dans le passé, les amendements avaient été refusés au titre de l’article 40 de la Constitution : l’achat de carnets et de stylos coûterait trop cher pour mettre en place cette mesure.
Les députés n’allaient pas plier aussi facilement.
C’est à ce moment que Cazeneuve intervient :
Les forces de l’ordre sont en première ligne pour assurer la sécurité des Français : elles exposent pour cela leur vie, et paient un lourd tribut. Je ne peux pas, dans ce contexte, alors que les forces de sécurité, parce qu’elles portent l’uniforme et incarnent le droit, sont attaquées chez elles dans des conditions atroces, comme nous l’avons vu il y a une dizaine de jours, laisser penser dans cet hémicycle qu’il serait légitime de les regarder avec suspicion.
[...]
En tant que ministre de l’intérieur, mais surtout en tant qu’ardent républicain, conscient du travail qu’elles accomplissent, je ne peux laisser à penser qu’au moment où elles fournissent autant d’efforts en s’exposant autant, nous aurions légitimité à les remercier en faisant peser sur elles une suspicion quant à leur capacité à faire respecter les principes républicains.
Le débat est clos. Selon le ministre, le contexte actuel de menaces terroristes, sans compter les événements sportifs et les mouvements sociaux, ne permet pas de remettre en cause les pratiques d’une police à qui on demande déjà beaucoup. Il ne faut pas froisser cette police et tant pis pour les milliers (millions ?) [1] de personnes discriminées qui continueront à l’être, sans grands moyens pour se défendre.
Cazeneuve exige que l’on fasse une confiance aveugle à ce bras armé de l’Etat et interdit de penser qu’ils ne suivent pas les lois.
Il mélange le registre de l’émotion (le couple de policiers tués à son domicile), à celui des valeurs républicaines et les temporalités (l’état d’urgence contre des années de discriminations).
Et ça marche. Des députés se repentent après son discours et retirent leur proposition d’expérimenter le récépissé.
Cazeneuve remet à plus tard l’étude d’une mesure plus efficace. En attendant, ce sont les caméras des policiers qui filmeront les contrôles d’identité.
Les discriminé.es seront donc prié.es d’attendre encore un peu avant d’être en capacité de se défendre contre les discriminations subies.
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